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DROIT

DU COMMERCE ÉLECTRONIQUE

Distinction entre sphère publique et sphère privée en ligne en droit du travail
Un jugement de départage rendu par le Conseil de Prud’hommes de Boulogne-Billancourt58 a illustré
combien la frontière entre espace public et espace privé pouvait être ténue. En l’espèce, deux salariés
avaient été licenciés pour faute grave aux motifs d’incitation à la rébellion contre la hiérarchie et de dénigrement envers la société. Ces derniers avaient publié sur leur mur Facebook des textes concernant un club
où n’étaient admis que les salariés qui s’étaient « foutus de la gueule de leur supérieure hiérarchique toute
une journée sans qu’elle s’en rende compte » pour ensuite lui rendre la vie impossible pendant des mois.
Concernant les motifs du licenciement, le jugement relève que le paramétrage de la page Facebook du
salarié permettait un partage avec ses amis ainsi qu’avec les amis de ses amis. Cet usage ouvert dépassant la sphère privée, les copies des textes publiées sur le mur et transmises par « des amis des amis »
constituent donc des preuves recevables. De plus, de par leur mode d’accès ouvert, le mur et les textes
qu’il contient sont bien susceptibles de nuire à l’image de l’entreprise. Le comportement reproché aux
salariés est constitutif d’une faute grave rendant leur maintien dans l’entreprise impossible.
En novembre 2011, la Cour d’appel de Rouen a infirmé un jugement du conseil de prud’hommes
du Havre qui avait estimé que les propos injurieux d’une caissière publiés sur Facebook étaient bien
constitutifs d’une faute grave et justifiaient donc son licenciement. Pour la Cour59, le réseau social
peut constituer soit un espace privé, soit un espace public en fonction des paramétrages effectués
par son utilisateur. En l’espèce, aucun élément de preuve ne permet d’affirmer que le compte litigieux
autorisait une forme de partage avec des personnes indéterminées, comme par exemple « les amis
des amis ». Rien ne permet non plus de conclure que les échanges concernés, même s’ils ont été
envoyés à cinq collègues, ont perdu leur caractère de correspondance privée.
Cet arrêt de Cour d’appel n’est pas forcément incompatible avec le jugement de départage évoqué
précédemment. Il éclaire néanmoins sur la charge de la preuve pesant sur l’employeur devant démontrer le caractère public du contenu litigieux. Ce qui compte, ce n’est pas tellement le nombre de
personnes concernées mais le fait que l’écrit soit adressé à un nombre de personnes indéterminées
que l’expéditeur n’a pas préalablement identifiées.

Définition d’un message à caractère purement privé par la Cour de cassation
Dans un arrêt de 201260, la Cour de cassation casse et annule un arrêt de la Cour d’appel de Paris
selon lequel un message envoyé depuis une messagerie personnelle et en dehors du temps et du lieu
de travail pouvait justifier un licenciement pour faute grave dans la mesure où celui-ci n’était pas
étranger à l’activité professionnelle du requérant. Parce que le message avait été envoyé à un
collègue de travail, sans demander de sa part une attitude de discrétion, l’expéditeur devait être
considéré comme responsable du trouble ainsi causé dans l’entreprise.
Au contraire, pour la Cour de cassation, un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un
licenciement disciplinaire que s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de
son contrat de travail. A contrario, « un envoi de courriel d’une messagerie personnelle en dehors du lieu et
du temps de travail à l’adresse personnelle d’un collègue de travail a un caractère purement privé et ne peut
donc pas constituer un manquement à l’obligation de loyauté d’un salarié envers son employeur. »

58. Conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt, Jugement de départage, Mme S. /Alten Sir
(19 novembre 2010) www.legalis.net
59. CA Rouen (Ch. Soc.), Mylène E. /Vaubadis, (15 novembre 2011), www.legalis.net/
60. Cass. soc., M. X/PMU, (26 janvier 2012), www.legalis.net

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