Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts de droit pénal et de procédure pénale 2017-2018 - 2e - 111

CHAPITRE 5 - Les peines
de son auteur et le caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction ; l'alinéa 3 impose que le prononcé de
la peine d'emprisonnement ferme et non aménagée soit spécialement motivé au regard des faits de l'espèce et de la
personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale.
C'est donc bel et bien une double motivation que l'article 132-19 du Code pénal commande. Ainsi que le souligne
Madame Bonis-Garçon dans le commentaire de cette décision (Dr. pén. 2017, p. 47), une motivation positive est
exigée s'agisssant de la peine d'emprisonnement ferme : il s'agit de démontrer sa nécessité alors la motivation de
l'aménagement de la peine présente un caractère négatif : il s'agit de justifier la décision de refus d'aménagement de
la peine. Surtout, selon la lettre même du texte, chacune repose sur une série de trois critères cumulatifs distincts. La
première, fondée sur l'alinéa 2, doit faire écho à la gravité de l'infraction, à la personnalité de l'auteur et à
l'inadéquation de toute autre sanction. La seconde, référence faite à l'alinéa 3, doit s'appuyer sur les faits de l'espèce,
la personnalité du condamné et sa situation appréhendée sous trois aspects : matériel, familial et social.
Pourtant, la chambre criminelle, dans ses décisions antérieures, mêlait volontiers les différents critères. Ainsi, dans deux
arrêts des 4 mai et 29 juin 2016 (nº 15-82114), elle retenait « qu'il résulte de ce texte [art. 132-19] que le juge qui
prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard des faits de l'espèce, de la
gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur, de sa situation matérielle, familiale et sociale ainsi que du
caractère inadéquat de toute autre sanction ; que, dans le cas où la peine n'est pas supérieure à deux ans, ou à un an
pour une personne en état de récidive légale, le juge, s'il décide de ne pas l'aménager, doit en outre motiver spécialement cette décision, soit en établissant que la personnalité et la situation du condamné ne permettent pas un tel
aménagement, soit en constatant une impossibilité matérielle. »
Désormais, la motivation spéciale de la peine d'emprisonnement ferme doit démontrer d'une part sa pertinence au
regard de la gravité de l'infraction (en l'espèce, les juges avaient souligné le caractère répétitif des agissements révélant
un mode de gestion habituel des sociétés faisant fi des règles) et de la personnalité de l'auteur (ici, il était souligné que
l'absence totale de remise en cause de M. X faisait craindre une réitération des faits), d'autre part sa nécessité face à
l'inadéquation de tout autre forme de sanction (les juges relevaient là que les multiples interdictions de gérer antérieures avaient été totalement inefficaces pour mettre fin aux agissements frauduleux).
Le critère de la situation matérielle, familiale et sociale n'intervient donc que dans la motivation de l'absence d'aménagement la peine d'emprisonnement ferme prononcée.

Pour aller plus loin
* Cass. crim., 31 mars 2015 : dès lors qu'il ne concerne ni la définition des faits punissables, ni la nature et le quantum
des peines susceptibles d'être prononcées, l'article 132-19 du Code pénal, tel que modifié à compter du 1er octobre
2014, n'entre pas dans les prévisions de l'article 112-1, alinéa 3, mais dans celles de l'article 112-2, 2º. Étant une loi de
procédure, elle est applicable immédiatement et ne saurait entraîner l'annulation d'une décision sur le fond régulièrement rendue avant son entrée en vigueur.
* Cass. crim., 29 nov. 2016, nº 15-86712 : faute de s'expliquer sur les éléments de la personnalité du prévenu qu'elle a
pris en considération pour fonder sa décision et sur le caractère inadéquat de toute autre sanction, la cour d'appel a
méconnu le sens et la portée de l'article 132-19, alinéa 2 du Code pénal.

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