Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts de droit pénal et de procédure pénale 2017-2018 - 2e - 126

L'ESSENTIEL

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DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

PÉNAL ET DE LA

PROCÉDURE

PÉNALE

Cass. crim., 6 nov. 1991(présomptions de culpabilité -
conditions)

L'article 6.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'a pas
pour objet de limiter les modes de preuve prévus par la loi interne mais d'exiger que la culpabilité soit légalement établie,
ne met pas obstacle aux présomptions de droit ou de fait instituées en matière pénale dès lors que lesdites présomptions,
comme en l'espèce celle de l'article L. 21-1 du Code de la route, permettent d'apporter la preuve contraire et laissent
entiers les droits de la défense.

■ Faits
M. Marquant avait fait l'objet d'une amende forfaitaire pour stationnement gênant du véhicule automobile immatriculé
à son nom. Le montant de cette amende n'ayant pas été acquitté dans le délai imparti de trente jours, un titre de
recouvrement avait été rendu exécutoire par le Ministère public. À la suite de sa réclamation, M. Marquant était alors
cité devant le tribunal de police qui l'a relaxé aux motifs que l'article L. 21-1 du Code de la route, qui permet d'appliquer la procédure de l'amende forfaitaire contre le titulaire du certificat d'immatriculation d'un véhicule en stationnement gênant sans jamais l'avoir entendu, revient à le présumer coupable et est, comme tel, contraire à l'article 6 § 2
de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. La Chambre criminelle, saisie d'un pourvoi formé
par l'officier du Ministère public dudit tribunal, a rendu un arrêt de cassation. Se fondant sur la jurisprudence de la
Cour européenne, elle affirme en effet que l'article L. 21-1 du Code de la route en cause n'est pas en contradiction
avec les dispositions conventionnelles.

■ Portée
En vertu du principe de la présomption d'innocence, c'est à la partie poursuivante, c'est-à-dire le Ministère public et, le
cas échéant la victime constituée partie civile, de rapporter la preuve de la culpabilité de la personne poursuivie. L'affirmation signifie, a contrario, que celle-ci n'a pas à prouver son innocence (bien que rien ne lui interdise d'apporter ses
propres éléments de preuve afin de contrecarrer ceux présentés par l'accusation), ni à contribuer à sa propre
incrimination.
Si tel est le principe, la jurisprudence admet cependant que le législateur instaure des présomptions de culpabilité qui,
comme leur nom l'indique, tendent à présumer la personne en cause comme étant coupable de l'infraction qui lui est
reprochée. La culpabilité étant présumée, c'est alors à la personne poursuivie, du fait du renversement de la charge de
la preuve, qu'il appartient de démontrer son innocence.
La Cour européenne, dans la décision Salabiaku c/France du 7 octobre 1988, a validé ces présomptions de culpabilité
en affirmant que la Convention européenne n'y met pas obstacle, dès lors du moins qu'elles « sont enserrées dans
des limites raisonnables prenant en compte la gravité de l'enjeu et préservent les droits de la défense ». En d'autres
termes, de telles présomptions sont tolérées si elles ne concernent que des infractions peu graves et que la présomption n'est pas irréfragable.
Comme l'arrêt du 6 novembre 1991 en témoigne, ces conditions sont reprises dans des termes assez semblables par la
Chambre criminelle de la Cour de cassation. Celle-ci, en effet, rappelle que les présomptions de culpabilité sont admissibles au regard de l'article 6 § 2 de la Convention relatif à la présomption d'innocence s'il est possible d'apporter la
preuve contraire et que les droits de la défense restent entiers.

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