Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts de droit pénal et de procédure pénale 2017-2018 - 2e - 134

L'ESSENTIEL

132

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

PÉNAL ET DE LA

PROCÉDURE

PÉNALE

6 Cass. crim., 11 juin 2002 (loyauté de la preuve, pratique
du testing)
Attendu que, pour confirmer le jugement, la cour d'appel retient, substituant ses motifs à ceux des premiers juges, que le
procédé dit « testing » est illicite ; qu'elle énonce qu'il n'offre « aucune transparence », ne respecte pas « la loyauté nécessaire dans la recherche des preuves et porte atteinte aux droits de la défense ainsi qu'au droit à un procès équitable » ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ; D'où il
suit que la cassation est encourue.

■ Faits
Afin de révéler d'éventuelles pratiques discriminatoires à l'entrée de deux discothèques, l'association SOS Racisme
organisa une opération, dite « testing ». Pour l'occasion, les membres de l'association furent répartis en plusieurs
groupes, l'un composé de deux hommes et une femme d'origine maghrébine, l'autre d'un homme et de deux
femmes d'origine européenne, le troisième de deux hommes et une femme d'origine nord-africaine. Constatant qu'à
l'entrée des deux discothèques, seules les personnes d'origine maghrébine se voyaient refuser l'entrée, les services de
gendarmerie étaient alertés. À la suite de l'enquête menée, le procureur de la République faisait citer devant le tribunal
correctionnel l'exploitant et les portiers des établissements concernés. L'association SOS Racisme se constituait partie
civile. Poursuivis pour discrimination dans la fourniture d'un service à raison de l'origine raciale ou ethnique, les individus étaient relaxés. Sur appel, la Cour de Montpellier repoussait les prétentions de l'association en relaxant, à son
tour, les individus poursuivis. Sur le pourvoi formé par l'association SOS Racisme, partie civile dans cette affaire, la
Chambre criminelle, au visa de l'article 427 du Code de procédure pénale accueille favorablement les argumentations
et censure l'arrêt de la Cour d'appel.

■ Portée
La lutte contre les discriminations est à l'évidence une démarche des plus nobles. Pour autant, peut-on admettre à
cette fin l'emploi de tous les moyens ? Pour les juges du fond, à l'image des services de police ou de justice, une association, qui se charge elle-même de l'administration de la preuve, ne peut s'affranchir des règles de la procédure
pénale et notamment de celle de la loyauté dans la recherche des preuves. Or, ils relèvent ici que l'opération de
« testing » a été réalisée de manière unilatérale par des sympathisants de l'association et qu'aucun autre témoignage
recueilli ne permet de corroborer ces témoignages. Ainsi, pratiquée sans aucune intervention d'un officier de justice
ou d'un huissier de justice, la méthode employée par l'association SOS Racisme devait être considérée comme un
mode de preuve n'offrant aucune transparence et, n'étant pas empreint de la loyauté nécessaire à la recherche des
preuves.
À raisonner ainsi, on devine à quelles difficultés s'engagent ceux qui entendent lutter contre des pratiques discriminatoires. La preuve de telles allégations devient bien difficile à rapporter. C'est dans cet esprit que le législateur, inspiré
par la Chambre sociale, a créé une présomption venant soulager la victime de discrimination du fardeau de la preuve.
Instaurée en matière d'emploi, la présomption législative n'a pas vocation « naturelle » à envahir tous les pans du
droit. Pour autant, même en ce domaine, le candidat malheureux à l'embauche doit être en mesure de présenter aux
magistrats des indices « de preuve », des éléments de fait, laissant supposer qu'il a été victime d'une discrimination.
C'est la recherche de tels indices que vise la pratique du « testing » afin de mettre en avant l'évidente « fausseté » des
mobiles invoqués par les personnes poursuivies.

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