Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts de droit pénal et de procédure pénale 2017-2018 - 2e - 143

CHAPITRE 6 - La preuve pénale
propos pouvaient être interceptés, alors que dans le même temps on lui avait notifié son droit de se taire ? Pour
autant, on peut penser que le gardé à vue qui « évoque » son dossier prend le risque d'être entendu ou pour le
moins que ses propos soient rapportés. On pourrait trouver que l'efficacité des services de police est trop limitée si
chaque procédé est analysé comme un stratagème déloyal contraire aux règles du procès équitable. La chambre d'instruction, sur renvoi de la chambre criminelle, accepta cette vision puisqu'elle rejeta la demande d'annulation des
pièces de la procédure.
Pour valider la procédure, la chambre d'instruction retient que plusieurs indices constituant des raisons plausibles de
soupçonner que l'un des intéressés avait pu participer aux infractions poursuivies justifient son placement en garde à
vue, conformément aux exigences de l'article 62-2, al. 1 du Code de procédure pénale, que l'interception des conversations a eu lieu dans les conditions et formes prévues par les articles 706-96 à 706-102 du même code, lesquelles
n'excluent pas la sonorisation des cellules de garde à vue, que les intéressés, auxquels a été notifiée l'interdiction de
communiquer entre eux, ont fait des déclarations spontanées, hors toute provocation des enquêteurs, et que le droit
au silence ne s'applique qu'aux auditions et non aux périodes de repos.
L'Assemblée plénière brise cette résistance en affirmant la déloyauté du procédé utilisé. Pour autant, elle ne reprend
pas la référence à la notion de « stratagème ». Le visa intègre l'article 63-1 du code de procédure pénale ainsi que le
droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination. Ainsi, elle dépasse la vision, que d'aucuns estiment tronquée, du
droit au silence telle qu'elle résulte de la loi du 14 mars 2011. Autrement dit, celui-ci prend effet dès qu'une mesure
de garde à vue est décidée, y compris, comme le souligne l'Assemblée plénière, « durant les périodes de repos séparant les auditions ». Dit autrement, l'Assemblée plénière fait prévaloir l'esprit sur la lettre du texte qui restreint l'exercice
du droit au silence aux propos échangés « lors des auditions ». La solution retenue s'inscrit dans un environnement juridique dessiné tant par le droit interne qu'en droit européen pour lesquels la protection des droits et libertés visant à
garantir la tenue d'un procès équitable implique le droit de se taire et de ne pas s'auto-incriminer.

Pour aller plus loin
* CEDH, 5 févr. 2003, Allan c. Royaume-Uni, Req. nº 48539/99 : condamnation de la pratique consistant pour les policiers à recueillir le témoignage d'un codétenu, indicateur de police, ce qui avait permis de confondre le suspect d'un
meurtre qui ne l'avait jamais avoué. La Cour a estimé que cette pratique avait violé le droit de l'intéressé de se taire et
celui de ne pas s'auto-incriminer.
* Cass. crim., 17 mars 2015 : est proportionnée au regard des impératifs de la sûreté publique, de la prévention des
infractions pénales et de la protection de la santé publique, au sens de l'article 8 de la Convention européenne des
droits de l'Homme, l'atteinte à l'intimité d'une personne par la sonorisation d'une cellule de détention. Cette sonorisation, autorisée par le juge d'instruction et motivée, n'est pas considérée comme un procédé déloyal.

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