Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts de droit pénal et de procédure pénale 2017-2018 - 2e - 164

L'ESSENTIEL

162

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

PÉNAL ET DE LA

PROCÉDURE

PÉNALE

Cass. crim., 12 mai 1999 (contrôle d'identité, police
administrative)

Attendu que, pour déclarer régulier le contrôle d'identité effectué, la Chambre d'accusation relève que le procès-verbal
mentionne une recrudescence de vols de scooters ; Mais, attendu qu'en se déterminant ainsi, la Chambre d'accusation,
qui s'est bornée à se référer à une considération abstraite et générale, sans relever de circonstances particulières de
nature à caractériser un risque d'atteinte à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens, n'a pas
justifié sa décision ; D'où il suit que la cassation est encourue.

■ Faits
Alors que la nuit est déjà tombée sur la ville, deux gardiens de la paix du commissariat de Poitiers, agents de police
judiciaire, remarquent, à l'occasion d'une patrouille, deux individus dans une cabine téléphonique. Près de la cabine,
sont stationnés deux scooters. Ayant à l'esprit une recrudescence de vols de tels engins, les deux agents décident de
contrôler l'identité des deux individus. Au cours de la palpation de sécurité effectuée sur la personne de l'un des deux
individus, les policiers constatent la présence, dans l'une de ses poches, d'un objet qu'ils lui demandent de leur
présenter. L'individu remet aux policiers deux morceaux de cannabis. Il est aussitôt interpellé. Poursuivi du chef
d'infraction à la législation sur les stupéfiants, l'intéressé tente d'échapper aux poursuites pénales en contestant notamment la validité du contrôle d'identité qui a servi de point de départ à l'enquête. La Chambre d'accusation de la Cour
d'appel de Poitiers repousse les prétentions et valide la procédure. Contestant cette solution, le pourvoi reproche aux
magistrats poitevins de s'être contenté de constater que les agents de police avaient justifié le contrôle par un motif
d'ordre général et abstrait tiré de la recrudescence des vols de ce type de deux-roues. Pour le pourvoi l'argumentaire
est insuffisant : les magistrats auraient dû s'expliquer sur le fait qu'à l'endroit et au moment où le contrôle avait été
effectué, le vol des deux scooters eût été à craindre. Le raisonnement est accueilli par la Cour souveraine. L'arrêt
d'appel est cassé.

■ Portée
Introduit par la loi du 2 février 1981, le contrôle préventif (ou de police administrative) d'identité a focalisé sur lui bien
des préoccupations politiques. Au départ, il était loisible aux policiers de contrôler l'identité de toute personne pour
« prévenir une atteinte à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes et des biens. » Quelques modifications
législatives et réactions jurisprudentielles plus tard, la loi du 10 août 1993 fixe aujourd'hui le droit positif. L'article 78-2,
al. 3 du Code de procédure pénale énonce que « l'identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut
également être contrôlée, [...], pour prévenir une atteinte à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou
des biens ». Saisi du texte, le Conseil constitutionnel a eu l'occasion d'apporter un bémol à la partition législative.
Dans sa décision du 5 août 1993, tout en admettant le fait que « l'identité de toute personne quel que soit son
comportement » puisse être contrôlée, le Conseil, soucieux du respect de la liberté individuelle, avait formulé une
réserve d'interprétation visant à ce que l'autorité concernée soit en mesure de justifier, les circonstances particulières
établissant le risque d'atteinte à l'ordre public ayant motivé le contrôle.
L'arrêt présenté ici s'inscrit parfaitement dans la ligne dégagée par le Conseil. En soulignant que la validité d'un
contrôle d'identité de police administrative ne saurait se satisfaire d'une référence à une considération abstraite et
générale, la Chambre criminelle rappelle, une fois encore, combien il importe aux autorités policières de relever les
circonstances particulières qui ont caractérisé un risque d'atteinte à l'ordre public. Qu'il s'agisse de la sécurité des

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