Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts de droit pénal et de procédure pénale 2017-2018 - 2e - 50

L'ESSENTIEL

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

PÉNAL ET DE LA

PROCÉDURE

PÉNALE

7 Cass. crim., 19 avril 2017 (mise en danger d'autrui,
la probabilité de développer une maladie dans les 30
ou 40 ans suffit à caractériser l'infraction)
Attendu que pour déclarer les prévenus coupables de mise en danger de la vie d'autrui... les juges retiennent ensuite que
[...] le degré de probabilité de développer un cancer du poumon ou un cancer de la plèvre dans les 30 à 40 ans de l'inhalation de poussières d'amiante est certain, sans qu'il n'y ait ni effet de seuil, en deçà duquel il n'existerait aucun risque ni
traitement curatif efficace.
Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs qui établissent l'exposition d'autrui à un risque de mort, de mutilation
ou d'infirmité permanente, en relation directe et immédiate avec la violation manifestement délibérée des dispositions du
code du travail, la cour d'appel a justifié sa décision ;

■ Faits
En mai 2012, la société Mandevilla a passé un marché avec la société Vinci Construction Terrassement, dont M. Fabien
X... était le directeur d'exploitation, pour le terrassement et la construction de trois immeubles. Les travaux d'excavation du site et de construction étant susceptibles d'exposer les salariés et les riverains à l'inhalation de poussières
d'amiante n'ont pu commencer qu'avec une autorisation accordée en juillet 2012. À cinq reprises, dans les deux mois
qui ont suivi, l'inspectrice du travail a notamment constaté par procès-verbaux que les déblais amiantifères n'étaient
pas suffisamment recouverts, que la clôture de confinement ne permettait pas de limiter la propagation de fibres
d'amiante et que la réalisation d'opérations de mesurage de l'air en fibres d'amiante n'était pas conforme. La société
Vinci Construction Terrassement et M. X... ont été cités devant le tribunal correctionnel sur la prévention de mise en
danger d'autrui pour avoir employé des salariés à une activité comportant un risque d'exposition à des agents chimiques cancérogènes mutagènes ou toxiques. Relaxés par le tribunal, les prévenus ont été déclarés coupables de mise
en danger de la vie d'autrui par la cour d'appel de Bastia. Contestant le caractère immédiat du risque, arguant de la
violation du principe de l'interprétation stricte de la loi pénale, le pourvoi n'en a pas moins été écarté par la Chambre
criminelle.

■ Portée
À lire rapidement la solution retenue par la Chambre criminelle, l'arrêt semble pouvoir utilement illustrer l'infraction de
mise en danger d'autrui. C'est là un faux-semblant. La solution, loin de s'inscrire dans une jurisprudence habituelle,
vient troubler quelque peu l'étude de cette infraction. En vérité, et là encore, chacun a pu le souligner des 1994, la
mise en danger révèle deux visages différents. Elle est tantôt infraction autonome, tantôt circonstance aggravante
d'une autre infraction. Sur son volet « circonstance aggravante », elle sert de transition entre les infractions intentionnelles et les infractions par imprudence. Si par définition l'infraction reste non intentionnelle, les circonstances dans
lesquelles elle a été commise font qu'une réponse pénale plus répressive s'avère nécessaire. Ainsi, l'homicide involontaire, puni habituellement de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, voit sa peine portée à cinq
ans et à 75 000 euros d'amende : « En cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement » (C. pén., art. 221-6, al. 2). Mais c'est bien en son volet
« infraction autonome » que la mise en danger, à l'occasion de la réforme du Code pénal, a été présentée comme
l'une des innovations les plus importantes. Aussi, l'article 223-1 mérite toujours une attention toute particulière : « Le
fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation

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