Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts de droit pénal et de procédure pénale 2017-2018 - 2e - 76

L'ESSENTIEL

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DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

PÉNAL ET DE LA

PROCÉDURE

PÉNALE

10 Cass. crim., 6 mai 2004 (responsabilité de la personne
morale, identification de la personne physique... suite)
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher si les manquements relevés résultaient de l'abstention de l'un des
organes ou représentants de la société prévenue, et s'ils avaient été commis pour le compte de cette société, la cour
d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 121-2 du Code pénal ;

■ Faits
À l'occasion d'une intervention sur les roues d'un appareil de manutention portuaire, l'une des roues de l'engin, d'un
poids supérieur à 500 kg, a été propulsée sur un salarié qui est décédé sur place. Il a été établi que l'engin de manutention avait été mis à disposition de la société du Terminal de l'Escaut dans le cadre d'un contrat de location de
longue durée par son propriétaire, et que celle-ci avait confié à la société Littoral pneus services la tâche de procéder
au retournement des quatre pneus de l'engin. La direction du travail ayant relevé plusieurs fautes à l'encontre de ces
deux sociétés, les personnes morales ont été poursuivies et condamnées du chef d'homicide involontaire tant par le
tribunal que par la cour d'appel de Douai. Le pourvoi reprochait notamment aux juges du fond de s'être contentés
d'imputer à la société STE le délit d'homicide involontaire pour avoir omis de donner à la société LPS des informations
sur les risques liés à l'entretien des pneumatiques, et s'être abstenue de vérifier et de contrôler l'état des jantes, sans
même rechercher si ces manquements avaient bien été commis pour son compte par un organe ou un représentant
de la personne morale au sens de l'article 121-2 du Code pénal. L'argument est entendu et l'arrêt censuré.

■ Portée
Malmenant la double condition posée par l'article 121-1 du Code pénal qui soumet cette responsabilité aux « infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants », les juges du fond, avec la bienveillance de la
Chambre criminelle, ont pris quelques libertés avec le texte en passant sous silence la condition exigée. La personne
morale étant le plus souvent considérée comme une personne physique, la véritable personne physique, « support »
nécessaire à la responsabilité, n'était guère identifiée. En l'espèce, les juges du fond s'étaient ralliés à cet anthropomorphisme en présentant l'infraction comme ayant été commises par la personne morale. La solution est censurée et de
manière non équivoque puisqu'en réalité ce sont trois arrêts qui ont été rendus, au visa de l'article 121-2 du Code
pénal, avec le même élan.
On ne peut que se féliciter de ce retour à l'exigence textuelle et ce d'autant que dans l'une des affaires, les juges du
fond, emportés par ce courant anthropomorphique, avait expressément indiqué, « réécrivant » le texte de la loi, qu'en
cas de manquement aux règles de sécurité il n'était pas nécessaire d'identifier la personne physique fautive ni de
rechercher sa qualité d'organe ou de représentant. Les juges de fond ne peuvent imputer directement l'infraction à la
personne morale elle-même, sans référence à l'action d'un organe ou d'un représentant. La censure de cette dérive
anthropomorphisme est notée. Les juges du fond ont donc pour mission de rechercher si les manquements relevés
ont été commis par l'un des organes ou représentants de la société. Si d'aventure la réalisation de cette condition
n'est pas suffisamment démontrée, ils peuvent se voir reprochés de ne pas avoir « mieux recherché » si les manquements relevés avaient été commis par un organe ou un représentant.
Si la solution retenue par la Chambre criminelle est importante, il ne faut pas en surestimer la portée. Par cette décision (et les deux autres rendues le même jour), les juges du droit marquent le retour à une acception plus restrictive,
conforme au principe de la légalité et de l'interprétation stricte, de la notion de représentant de la personne morale.
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