Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts de droit pénal et de procédure pénale 2017-2018 - 2e - 78

L'ESSENTIEL

76

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

PÉNAL ET DE LA

PROCÉDURE

PÉNALE

11 Cass. crim., 14 oct. 2003, Sté Acetex Chimie et a. (après
une fusion, la société absorbante ne peut être déclarée
pénalement responsable du fait de la société absorbée)
Vu l'article 121-1 du Code pénal ; Attendu qu'aux termes de ce texte, nul n'est responsable pénalement que de son propre
fait ; Attendu que, pour déclarer la société Acetex Chimie, coupable d'homicide involontaire, après avoir constaté qu'elle
avait absorbé la société Pardies Acétiques postérieurement à l'accident, la cour d'appel énonce qu'elle a « ainsi continué
sa personnalité juridique » ; Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'absorption avait fait perdre son existence juridique à la société absorbée, la juridiction du second degré a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle aura lieu sans renvoi...

■ Faits
À la suite du décès d'un salarié survenu lors d'un accident du travail des poursuites pour homicide involontaire furent
engagées tant à l'encontre de plusieurs personnes physiques que de la personne morale. En cours de procédure, la
personne morale poursuivie fut absorbée par une autre société avec laquelle elle avait fusionné. Cette absorption ne
freina pas l'élan des magistrats de la Cour d'appel de Pau qui reprirent les poursuites à l'encontre de la société absorbante avant de la condamner. Si le pourvoi formé par les personnes physiques fut rejeté, celui de la société absorbante
trouva une meilleure issue.
La Chambre criminelle, au visa de l'article 121-1 du Code pénal, casse et annule sans renvoi les dispositions de l'arrêt
ayant déclaré la société coupable du délit d'homicide involontaire.

■ Portée
Répondant au principe constitutionnel de personnalité des délits et des peines, l'article 121-1 du Code pénal énonce
avec conviction : « nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ». En l'espèce, la Cour de cassation
reproche aux magistrats Palois d'avoir méconnu ce texte en considérant que la société absorbante avait continué la
personnalité juridique de la société absorbée alors que l'absorption avait fait perdre son existence juridique à la société
absorbée. La formulation est connue et reprend à son compte celle d'un arrêt précédent. La Chambre criminelle avait
en effet déjà eu l'occasion de préciser cette formule de sorte que la société absorbante ne peut être poursuivie ni
déclarée coupable du chef du délit d'homicide involontaire commis par la société absorbée. Comme on l'a noté, la
fusion-absorption fait disparaître la société absorbée. Le passif pénal n'est pas transmis et la responsabilité pénale ne
peut être encourue pour des faits antérieurs à l'absorption. La responsabilité pénale de la société cesse avec
l'absorption qui entraîne la disparition de sa personnalité juridique et équivaut à la mort de la société absorbée. On
peut y voir ici le décalque sur la personne morale de la règle portée par l'article 6 du Code de procédure pénale qui,
pour l'application de la peine, éteint l'action publique à la mort du prévenu.
Sans que la pérennité d'une telle solution soit nécessairement remise en cause, il est utile de souligner une petite
réserve. Les Juges luxembourgeois de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) ont en effet récemment estimé
qu'une société absorbante pourra, à l'inverse de la solution française, être jugée et condamnée au titre d'infractions
pénales commises avant la fusion par la société absorbée. Cette décision se fonde sur les dispositions de l'article 19
paragraphe 1 de la directive 78/855/CEE du Conseil des communautés européennes du 9 octobre 1978 concernant les
fusions des sociétés anonymes - remplacée par la directive 2011/35/UE du 5 avril 2011 - et constate qu'une « fusion
par absorption [...] entraîne la transmission, à la société absorbante, de l'obligation de payer une amende infligée par
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