Les Carrés Rouge - L'essentiel des Grands arrêts du droit du travail 2017-2018 - 2e - 14

L'ESSENTIEL

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

DU TRAVAIL

2 Cass. soc., 15 déc. 2010, nº 08-45242
Les arrêts du 29 mars 2006 et du 1er juillet 2008, par lesquels la Cour de cassation a, successivement déclaré la Convention
nº 158 de l'Organisation internationale du travail directement applicable devant les juridictions nationales et dit non
conforme aux exigences de cette Convention l'article 2 de l'ordonnance du 2 août 2005 instituant le contrat "nouvelles
embauches", n'ont pas opéré de revirement de jurisprudence.
La bonne foi des contractants n'est pas de nature à faire échec à l'application des normes régissant légalement leurs relations et, selon l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, "les traités ou accords internationaux régulièrement ratifiés
ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois".
En conséquence, ne fait qu'appliquer exactement au litige les normes en vigueur et ne méconnaît pas le principe de sécurité juridique ni ne viole l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales la
cour d'appel qui écarte l'article 2 de l'ordonnance du 2 août 2005 instituant le contrat nouvelles embauches comme
contraire aux dispositions de la Convention nº 158 de l'Organisation internationale du travail sur le licenciement, adoptée
à Genève le 22 juin 1982 et entrée en vigueur en France le 16 mars 1990.

■ Faits
Un salarié avait été engagé par « contrat nouvelles embauches », avant son abrogation en 2006. Son contrat a été
rompu par lettre du 14 avril 2006, suivant la procédure prévue par l'ordonnance du 2 août 2005 instituant le « contrat
nouvelles embauches ». Il a saisi le conseil de prud'hommes pour licenciement abusif. En appel, les juges ayant partiellement accueilli les demandes du salarié en jugeant le licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse,
l'employeur a formé un pourvoi en cassation.

■ Portée
L'arrêt du 15 décembre 2010 met en exergue les différentes problématiques entourant les sources publiques du droit
du travail, à savoir : les normes internationales et la jurisprudence. Les premières, par leur supériorité (Const. 4 oct.
1958, art. 55), sont susceptibles de déjouer les prévisions législatives ; la seconde, par son effet rétroactif, peut déjouer
la sécurité juridique, essentiellement en cas de revirement. Pour mémoire, instauré par l'ordonnance nº 2005-893 du
2 août 2005 et prévu à l'ancien article L. 1223-4 du Code du travail avant d'être abrogé en 2006, le CNE pouvait être
conclu par les employeurs qui occupaient au plus vingt salariés. Ce contrat à durée indéterminée différait du droit
commun par des modalités spécifiques de rupture applicables pendant les deux premières années suivant sa conclusion : sans motif, sans procédure. La compatibilité de ce contrat aux dispositions de la Convention nº 158 de l'OIT
avait été contestée devant les tribunaux.
Dans un premier temps, la chambre sociale confirme que les droits sociaux fondamentaux sont en principe d'applicabilité directe. Elle adopte une méthode objective : sauf lorsque la lettre du texte exclut toute applicabilité, une disposition
est applicable lorsqu'elle reconnaît un droit subjectif, en identifiant précisément les sujets et l'objet d'un droit. Une fois
l'applicabilité admise, celle-ci est opposable tant à l'État (applicabilité verticale) qu'à l'encontre d'un particulier (applicabilité horizontale). Il en résulte, comme en l'espèce, qu'un employeur peut être condamné pour avoir respecté une loi
non-conforme aux normes internationales (quitte, par la suite, à engager la responsabilité de l'État du fait des lois). Il
est une limite néanmoins : en droit de l'Union européenne, les dispositions d'une directive, même inconditionnelles et
précises, non-transposée ou mal-transposée ne sont pas d'applicabilité horizontale entre un salarié et un employeur,
sauf si ce dernier gère un service public ou si les dispositions mettent en œuvre un principe général du droit européen.

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