Fonction publique - Le droit disciplinaire dans la fonction publique - 1re - 57

Chapitre 2 * Typologie des fautes disciplinaires

une fausse identité »29. L'exemplarité implique, parfois, de méconnaître le devoir de se taire lorsqu'un agent est rendu destinataire de faits et/ou de mots
révélant un manque de savoir-être, voire des manquements au respect de principes et valeurs de la République. Chacun a à l'esprit la belle phrase de Jean
Rivero dans sa réflexion sur le devoir de réserve publiée à l'AJDA en 1977 : « La
réserve peut dégénérer en complicité : à se solidariser par le silence avec les
comportements inadmissibles de quelques-uns, les agents d'un corps risquent
de lui faire perdre l'autorité morale à laquelle il a droit ». Encore faut-il qu'en
brisant le tabou du silence, l'agent public mette les formes et ne commette
pas, à son tour, une faute disciplinaire. Le Conseil d'État a ainsi validé la sanction prononcée contre une fonctionnaire de police en poste à l'aéroport d'Orly
qui a été témoin, à de multiples reprises, de pratiques discriminatoires et de
propos à connotation raciste tenus par ses collègues30. En révélant, dans un
ouvrage publié en 2010 et intitulé Omerta dans la police. Abus de pouvoir,
homophobie, racisme, sexisme, des comportements inadmissibles de certains
de ses collègues, cette fonctionnaire de police a manifesté une désolidarisation courageuse et contribué, de la sorte, à lutter contre le tort que peut faire
à la fonction de policier en poste à Orly l'utilisation d'expressions contraires
à la déontologie applicable aux policiers. La CAA de Paris a toutefois pris en
considération la fonction et les modes d'expression retenus par Mme Souid en
jugeant que, dans son ouvrage qui a « fait l'objet d'une large diffusion et dont
elle a assuré elle-même la promotion dans plusieurs médias, elle relate, sur un
ton polémique et souvent outrancier, son expérience au sein de la direction de
la police aux frontières de l'aéroport d'Orly, où elle était affectée, en portant
des accusations graves contre des membres de ce service et en critiquant l'administration policière et la politique gouvernementale en matière de police ».
Le Conseil d'État a écrit l'épilogue de ce contentieux en jugeant que :
-	 la fonctionnaire de police a délibérément manqué à son obligation de réserve en cosignant et en promouvant dans les médias un ouvrage portant
de graves accusations contre le service de police au sein duquel elle était
affectée et contre la politique gouvernementale en matière de police31 ;
-	 ces accusations, souvent formulées de manière outrancière, étaient de nature à jeter le discrédit sur l'institution policière dans son ensemble.
L'exemplarité n'est pas très éloignée de la dignité, laquelle peut amener l'autorité administrative à rappeler qu'au-delà du savoir-être, les agents doivent
également respecter un savoir-vivre et porter, par exemple, des tenues adap29	 CE, 9 oct. 2020, n° 425459.
30	 CE, 22 mai 2017, n° 389785.
31	 CE, 22 mai 2017, n° 389785.

57
Fonction publique - Le droit disciplinaire dans la fonction publique - 1re

Table des matières de la publication Fonction publique - Le droit disciplinaire dans la fonction publique - 1re
