Mémentos - Note de synthèse - 2e - 97

CHAPITRE 3 - Dossier corrigé - La violence conjugale
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de préoccupation. Le combat féministe s'est institutionnalisé, il est devenu une cause
publique. Cette étatisation de la lutte contre les violences au sein du couple a permis
aux féministes de légitimer certains de leurs schèmes d'analyse. Ainsi, il est désormais
assez consensuel de présenter ces violences comme des violences de genre, incarnations
àl'échelle du couple du sexisme qui affecte plus globalement notre société. Mais en
devenant un problème public, ce fait social est aussi devenu un enjeu de lutte. La détermination
des causes du phénomène, et ce faisant des moyens de sa prise en charge,
donne à présent lieu à une compétition à laquelle participent l'ensemble des acteurs
qui s'en disputent la propriété. Cette concurrence favorise la circulation et la transformation
des schèmes d'interprétation de ce problème social au sein des différents domaines
d'action publique impliqués dans sa résolution : aide sociale, santé publique, politique
d'égalité femmes-hommes L'enquête pluridisciplinaire que nous menons depuis
2014 s'intéresse à la manière dont l'étatisation de la lutte contre les violences conjugales
s'est accompagnée, dans le domaine judiciaire, d'une inflexion des injonctions pesant
sur les juges. Plus précisément, nous interrogeons la manière dont les magistrats ont
réagi à l'adoption de lois qui ne leur demandent plus uniquement de punir les auteurs,
mais aussi, désormais, de protéger leurs victimes. Dans cet article, nous voudrions
revenir sur la partie de notre travail consacrée à l'invention et la mise en œuvre de
l'ordonnance de protection (OP). Instaurée par la loi du 9 juillet 2010, cette procédure
civile remplace le « référé-violence », première tentative de doter les juges aux affaires
familiales (JAF) de moyens de protéger les victimes de « violences conjugales », mais
qui se limitait aux couples mariés. L'OP s'applique-elle à toutes les catégories de
couples (mariés, pascés, concubins) ou d'ex-couples. Elle est en outre dotée d'implications
pénales directes. Elle permet à toute personne se disant victime de la violence
d'un (ex)partenaire d'obtenir une audience en urgence afin de bénéficier de mesures
de protection. Certaines de ces mesures visent la partie demanderesse, comme par
exemple être autorisé à dissimuler son adresse. D'autres sont destinées à la partie défenderesse
: interdiction de détenir une arme ou d'entrer en contact avec les personnes
qu'elle aurait violentée ou harcelée. Ce dispositif permet enfin de fixer les conditions
de la séparation du couple et de l'organisation des relations avec les enfants
Pour éclairer les logiques d'élaboration et de mise en pratique des critères à partir
desquels la loi demande aux JAF de statuer sur le bien-fondé de ces demandes de
protection, notre propos s'articule en trois temps. Une première partie étudie les conditions
de mise à l'agenda législative de l'OP et les modalités de sa formalisation juridique
par les parlementaires. Elle permet de saisir comment ce dispositif pensé dans le giron de
la « lutte contre les violences faites aux femmes » se retrouve arrimé au droit familial (I).
La suite du texte revient ensuite sur la manière dont cette justice familiale s'est saisie de
cette procédure de protection. Ainsi, la deuxième partie s'attache à décrire la façon dont
les JAF interprètent les critères d'appréciation édictés par les parlementaires (II). La troisième
analyse comment l'OP place les magistrats en position de devoir dire à partir de
quand cette violence devient suffisamment grave et inacceptable pour bouleverser les
critères qui président habituellement à la justice familiale en matière de séparation des
couples (III).
Dans l'attente des données statistiques que nous élaborons avec le ministère de la
Justice nous nous appuierons ici sur les données qualitatives de notre recherche. Cellesci
reposent sur la mobilisation de plusieurs méthodes d'enquête issues de la sociologie et
du droit : l'étude des archives publiques du Parlement et la réalisation d'enquêtes

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