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MÉMENTOS - NOTE DE SYNTHÈSE
ethnographiques dans trois tribunaux de grande instance (TGI). Ces terrains, qui ont
duré entre deux et six mois, nous ont permis d'observer des audiences, des réunions et
des temps de formation. Ils ont aussi été l'occasion de réaliser des entretiens auprès
d'une trentaine de JAF mais aussi de collecter et d'analyser un nombre important
d'ordonnances (entre cent et trois cents décisions par TGI).
I. De la lutte contre les violences faites aux femmes au droit de la famille
L'invention de l'ordonnance de protection a été rendue possible par la coexistence de
différents phénomènes. Elle découle de la propension grandissante des féministes à
s'appuyer sur la loi dans un contexte où l'Europe incite ses États membres à renforcer
l'égalité femmes-hommes, via notamment la pénalisation des violences générées par le
sexisme. Mais elle résulte aussi de processus internes au champ judiciaire et au champ
du pouvoir français ayant permis, dans les années 1980-1990, le développement des
politiques d'aide aux victimes ainsi que l'adoption d'un Code pénal plus favorable à la
protection des personnes. Enfin, elle est indissociable des fémocrates qui, depuis les
instances étatiques en charge du droit des femmes, ont travaillé à rendre admissible la
dimension genrée de certains problèmes sociaux dans les couloirs des « grands ministères
» et des hémicycles du Parlement.
L'adoption, en 2004, de la loi-cadre espagnole sur les violences de genre sert ensuite de
catalyseur. Souhaitant que la France se dote d'un outil équivalent, les féministes du
Collectif national des droits des femmes rédigent une proposition de loi-cadre en 2006.
Le texte reprend plusieurs dispositifs de la loi espagnole dont celui qui offre aux tribunaux
la capacité de délivrer des « ordonnances de protection pour les femmes victimes
de violences ». Cette proposition est relayée à l'Assemblée nationale par les députés
Marie-George Buffet (PCF) et Martine Billard (Les verts) en 2007.
Elle n'est pas discutée à l'Assemblée, mais favorise l'appropriation du dispositif tant par
l'exécutif que par le pouvoir législatif. En effet, plusieurs missions sont mandatées par la
suite pour évaluer l'impact des politiques françaises de lutte contre les violences faites
aux femmes. Quatre mois après la remise de leur rapport, plusieurs membres de la
mission créée par la Conférence des présidents de l'Assemblée déposent avec d'autres
députés une proposition de loi à l'origine de celle du 9 juillet 2010. Celle-ci contient une
disposition phare : la création d'une mesure de protection devant permettre aux victimes
d'« envisager de se séparer du conjoint violent » en levant rapidement les obstacles qui
contraignent habituellement les femmes « à demeurer dans la situation de violences
[...] : la présence d'enfants, la peur des représailles, l'absence de logement où s'installer,
l'absence de ressources ou l'irrégularité du séjour » Afin de lutter contre les mécanismes
qui conduisent à la très forte sous-déclaration de ces violences les députés proposent de
se défaire des schèmes habituels. Refusant de conditionner la délivrance de l'OP au
dépôt préalable d'une plainte contre l'auteur supposé des violences, ils proposent
d'abord que la mesure puisse être délivrée « sur simple constat du danger auquel les
victimes sont exposées ». Ils insistent ensuite pour qu'elle offre « un maximum de garanties
» en fonctionnant, « pour une période donnée », comme « un document opposable
aux divers acteurs susceptibles d'aider les victimes » (bailleurs sociaux, préfecture, caisse
d'allocations familiales [CAF], etc.). Afin de légitimer ce parti pris judiciaire, les députés à
l'origine de la proposition confient la responsabilité de cette procédure à un juge qui, au
terme de l'audition séparée des parties, sera chargé d'apprécier « la situation de danger
engendrée par les violences exercées ».
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