Mémentos - Note de synthèse - 2e - 99

CHAPITRE 3 - Dossier corrigé - La violence conjugale
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Le texte adopté huit mois plus tard reflète les compromis qui ont émaillé sa rédaction. En
effet, que ce soit à l'occasion des commissions restreintes de l'Assemblée et du Sénat ou
lors des séances plénières des deux hémicycles, les articles relatifs à l'ordonnance de
protection ont été plusieurs fois amendés. Ces modifications n'entraînent que peu de
débats et n'activent pas les clivages partisans traditionnels. Ceux qui les proposent
jouent sur le formalisme et l'autonomie du droit pour en sous-politiser le sens et les incidences,
tandis que les principaux entrepreneurs de la loi, soucieux de voir le dispositif
aboutir, acceptent de les regarder comme des concessions techniques acceptables. Ces
modifications ne sont néanmoins pas anodines. Elles procèdent d'une opération de
recadrage consistant à extraire l'OP du référentiel qui l'avait vu naître, celui de la lutte
contre les violences de genre, pour l'implanter dans celui des violences intrafamiliales
et donc de la justice familiale. Ce changement de référentiel ne passe pas, comme cela
était le cas auparavant, par une négation du fait que « les violences au sein des couples
sont majoritairement commises par des hommes sur des femmes ». Non sans une
certaine ironie, il est au contraire légitimé par le respect du « principe d'égalité » et le
refus de toute « discrimination fondée sur le sexe ». Comme l'écrit François Pillet
(Union pour un mouvement populaire - UMP), rapporteur du texte à la Commission
des lois du Sénat : « s'il est avéré que les femmes constituent une majorité des victimes
de violences conjugales, il n'en demeure pas moins que des hommes sont également
victimes de telles violences » et qu'ils doivent pouvoir « se prévaloir des dispositions
créées par la présente proposition de loi ».
D'un point de vue juridique, cette opération se cristallise dans la décision des députés de
confier la gestion de cette procédure aux juges aux affaires familiales (JAF) quand les
rédacteurs de la proposition de loi avaient initialement envisagé de la confier au juge
délégué aux victimes (JuDéVi)
Le changement de juge, voté sur des arguments juridico-techniques apparaît d'autant
plus légitime que depuis 2004 le dispositif dit du « référé-violence » permettait aux JAF
d'intervenir dans les couples mariés « lorsque les violences exercées par l'un des époux
mettent en danger son conjoint, un ou plusieurs enfants ». En confiant l'OP au JAF, les
députés inscrivent la procédure dans une tradition législative et judiciaire, ce qui leur
permet de la normaliser. La capacité d'ordonner des mesures pénales en plus des
mesures civiles visant à organiser la séparation, comme l'ouverture du dispositif aux
personnes divorcées et aux (ex)couples non mariés, apparaît ainsi moins comme une
innovation juridique radicale que comme le perfectionnement d'un dispositif existant.
Inscrire dans le référentiel de la justice familiale un dispositif né dans le giron de la lutte
contre les violences faites aux femmes n'est pas neutre. Dans son fonctionnement ordinaire,
cette justice, bien que majoritairement rendue par des femmes repose d'abord sur
des modèles et catégories d'entendement qui en matière de prestation compensatoire,
de pension alimentaire ou d'organisation de la vie des enfants contribuent à alimenter
les inégalités entre les femmes et les hommes. Elle est, ensuite, dominée par le triple
paradigme du « dépassement de la crise conjugale », de la « stigmatisation du conflit »
et de la priorité donnée à « l'intérêt de l'enfant ». Or si ces principes n'empêchent pas
nécessairement l'énonciation des griefs entre époux à l'occasion des audiences, ils ne
favorisent néanmoins pas leur prise en considération dans les procédures dites
« classiques ».
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