Les Carrés Rouge - L'essentiel du droit des politiques sociales - 14e - 59

CHAPITRE 2 - La dimension européenne du droit des politiques sociales
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Dans ces deux dernières affaires, la Cour a condamné à l'unanimité la différence de traitement
fondée sur la nationalité pour l'accès aux droits sociaux d'autant plus que les requérants avaient
la qualité de réfugié politique au sens de la Convention de Genève. En revanche, la Cour s'est
montrée quasiment déférente pour la souveraineté étatique en jugeant que la cristallisation des
pensions des ressortissants anglais expatriés dans des pays avec lesquels la Grande-Bretagne
n'avait pas conclu d'accord de réciprocité ne violait pas la Convention car les Anglais expatriés ne
sont pas dans une situation comparable à celle des Anglais vivant sur le territoire d'Albion (CEDH,
16 mars 2010, no
42184/05, Carson c/Royaume-Uni).
La jurisprudence Gaygusuz a été réceptionnée par les juridictions suprêmes françaises. Trois ans
plus tard, la Cour de cassation juge illégal le refus, opposé à un ressortissant turc, du bénéfice de
l'allocation supplémentaire du FSV (Cass. soc., 14janv. 1999, Bozkurt c/CPAM de Saint-Étienne et
CPAM de Grenoble c/Gokce) puis elle a associé les articles 8 et 14 de la Conv. EDH pour en
déduire l'application aux étrangers le droit de percevoir des prestations familiales, lequel est
rattaché aux droits de l'homme (Cass. ass. plén., 16 avr. 2004, Lingouala).
Le Conseil d'État a jugé incompatible avec cette stipulation de la Conv. EDH le système de la cristallisation
des pensions de retraite des anciens fonctionnaires français des colonies devenus des
ressortissants des nouveaux États décolonisés au motif que la prise en compte du critère de la
nationalité instaurait une discrimination non justifiée entre les pensionnaires. Il a étendu cette
jurisprudence à l'hypothèse dans laquelle l'administration refuse de faire bénéficier d'une pension
de réversion le conjoint d'un fonctionnaire des colonies décédé au motif qu'il n'avait plus la nationalité
française depuis la décolonisation (CE, 8 févr. 2002, Bab Hamed) ainsi qu'au refus de réviser
la pension civile de victime de guerre d'un ressortissant tunisien (CE, 7juill. 2004, Tahar Hendir).
Les personnes handicapées sont également concernées par la jurisprudence de la Cour qui a
étendu, à leur profit, le champ d'application de la jurisprudence Gaygusuz en jugeant qu'une
prestation sociale non contributive (l'AAH) fondait un droit patrimonial constituant un bien au
sens du droit européen des droits de l'homme qui rendait applicable, ipso facto, le principe de
non-discrimination sur la nationalité (CEDH, 30 sept. 2003, Poirrez c/France).
Toutefois, le Conseil d'État a précisé que les étrangers titulaires d'autorisation provisoire de séjour
ne pouvaient pas bénéficier de l'AAH (CE, 12 déc. 2003, Ammouche et Bangue Nambea). La cour
admet que les États puissent restreindre l'usage que peuvent faire les étrangers de passage ou en
situation irrégulière de services publics coûteux (CEDH, 21juin 2011, nº5335/05).
La dimension protectrice de la Conv. EDH à l'égard des personnes vulnérables a été illustrée par la
première condamnation de la France en matière d'accueil des gens du voyage et des Roms (CEDH,
17 oct. 2013, Winterstein c/France) suivi d'une seconde concernant l'expulsion de plusieurs
centaines de Roms sédentaires (CEDH, 20 mai 2020, Hirtu c/France) et pour non-application du

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