En poche - Introduction historique au droit - 2e - 16

Cette évolution s'observe également à travers l'appauvrissement de
la science juridique : aux efforts doctrinaux attachés à l'art de la définition
et à l'étude des cas succèdent un dogmatisme plus grossier et
largement soumis à la volonté impériale. La production se concentre
souvent sur l'étude des auteurs classiques qui sont peu à peu canonisés
: Valentinien III, par exemple, avec la célèbre « Loi des citations
» (426) réduit la jurisprudence invocable en justice à celle contenue
dans les œuvres de cinq jurisconsultes classiques (Gaius, Paul,
Ulpien, Modestin, Papinien). D'après cette mesure, un juge ne peut
se fonder que sur ces auteurs et, en l'absence d'opinion concordante
majoritaire sur le point de droit en question, doit retenir celle de Papinien.
Ce dispositif, faisant la part belle à une application mécanique du
droit, est bien révélateur de l'appauvrissement de la science du droit
du Bas-Empire.
Cette impression de confusion est d'ailleurs renforcée par la multiplication
des constitutions impériales, notamment à partir du IVe
siècle. Leur
répétition acharnée montre les difficultés à les faire suivre d'une réelle
application à l'échelle de l'Empire. Elle montre aussi la concurrence
avec les formes juridiques issues de la pratique, mais confirme les
ambitions des empereurs en matière de centralisation juridique. L'accumulation
de ces lois impériales rend d'ailleurs bientôt nécessaire
leur regroupement au sein de compilations. Les premières sont des
œuvres d'initiative privées comme le Code Grégorien qui regroupe
en 290 les constitutions impériales prises depuis Hadrien, ou le Code
Hermogénien (293) qui rassemble des rescrits contemporains à sa
publication. Même si ces recueils furent validés par l'empereur qui y
voyait un outil d'unification du droit, il faut attendre le Code Théodosien
(438) pour voir publié le premier projet impérial de codification
du droit, c'est-à-dire portant l'ambition de le rassembler de manière
exhaustive et systématique dans un même texte. L'œuvre capitale - et
finale - est celle de Justinien. Empereur oriental, chrétien et autocratique,
poursuivant le rêve de la restauration de l'Empire dans sa splendeur
classique, il entreprend - en parallèle de la reconquête militaire
des territoires occidentaux - de construire un monument juridique à la
hauteur de cette ambition. Une commission de juristes présidée par
Tribonien se charge d'abord d'une compilation de leges regroupant
des constitutions impériales remontant jusqu'à celles d'Hadrien : ce
sera le Code, publié dans une première version, aujourd'hui perdue,
en 529. Ensuite, c'est le ius vetus, ainsi que l'on désigne désormais la
vieille jurisprudence classique, qui mobilise leurs efforts : la sélection
parmi un corpus immense de 9 000 fragments regroupés en 50 livres
donne naissance au Digeste (ou Pandectes) publié en 533. La même
année sont publiées les Institutes inspirées de Gaius : un manuel de
droit destiné à la cupida legum juventus, la jeunesse avide de lois.
Enfin, en 534, les Novelles complètent le tableau en regroupant les
constitutions émises par Justinien lui-même.
Rome : un droit étatique pendant l'Antiquité tardive
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