En poche - Introduction historique au droit - 2e - 30

cée : la voie est ouverte à la mise en place des lois fondamentales du
royaume consacrant un corpus coutumier de règles spécifiques à la
dévolution du pouvoir. Ce dernier, distinct de la personne des gouvernants
qui l'incarnent successivement, est érigé en principe abstrait :
c'est là un indice fondamental de la renaissance de l'État.
Mais les rois doivent également s'attacher à fonder leur légitimité. Ce
sera le rôle du sacre, repris de la tradition carolingienne. Il recouvre
la fonction royale d'une dignité particulière et consacre sa vocation
pastorale : le Roi, élu de Dieu, est chargé de conduire son peuple
au salut. Cette idéologie royale s'exprime à l'occasion d'évènements
majeurs comme le commandement de la deuxième croisade (1148) et
la victoire de Bouvines (1214) qui confirme la faveur de Dieu envers
le royaume. La royauté française est bientôt dotée d'un prestige mythique
qu'elle entretient en se plaçant elle-même dans la lignée des
rois vétérotestamentaires ou dans de prétendues origines troyennes.
Incarnée par un roi « très chrétien » (dont l'archétype est Louis IX
canonisé en 1297) investi de pouvoirs magiques qui renforcent son
lien avec le peuple (par ex. la guérison des écrouelles), c'est elle qui
garantit l'harmonie et la paix du royaume. Le roi, arbitre suprême
doté d'une autorité sans équivalent, peut désormais entreprendre de
réunir entre ses mains les moyens de mettre en œuvre ces missions.
Ainsi sont mis en place les éléments caractéristiques du pouvoir législatif
royal tel qu'il s'affirme à partir du XIIe
siècle : marqué par l'absolutisme
romain, il s'inscrit cependant dans le cadre particulier d'une
royauté sacrale imprégnée, comme tous les aspects de la société médiévale,
de l'exigence religieuse. L'affirmation de la souveraineté du
roi ne se fait donc jamais sans rappeler que son exercice est aussi un
ministère au sens chrétien : une mission au service de Dieu. On trouvera
à ce titre la synthèse proposée par Ph. de Beaumanoir à la fin du
XIIIe
siècle particulièrement éloquente, qui énonce le principe du pouvoir
législatif royal indissociablement de l'exigence qui fonde la légitimité
de son exercice : l'utilité, ou « commun profit ». Ainsi le « princejusticier
» est-il également un « souverain-législateur » (J. Krynen).
MODALITÉS ET ÉVOLUTIONS DU POUVOIR LÉGISLATIF
ROYAL
L'ordonnance de 1155 - portant paix décennale - constitue l'un des
premiers exemples de législation royale proprement dite. À cette
époque, la volonté du roi ne peut encore se passer de l'assentiment
des grands du royaume : ce devoir de conseil est une nécessité politique
s'il veut voir sa décision appliquée sur des territoires qu'il ne
contrôle pas directement. L'efficacité de la norme royale suit néanmoins
la puissance de l'autorité qui l'édicte : dans le temps fort du
XIIIe
siècle, le roi est en mesure d'imposer ses ordonnances à tout le
royaume là où les deux siècles suivants marqueront un net recul de
Roi de France et puissance législative
En poche - Introduction historique au droit - 2e

Table des matières de la publication En poche - Introduction historique au droit - 2e
