En poche - Introduction historique au droit - 2e - 37

Autre principe au cœur des préoccupations des Lumières : la souveraineté,
définie par Gérard Cornu comme le « caractère suprême
d'une puissance qui n'est soumise à aucune autre », celui d'un « organe
qui n'est soumis au contrôle d'aucun autre et se trouve investi
des compétences les plus élevées ». Pour Rousseau, en s'alliant
entre eux via un Contrat social, les individus créent une entité qui
fait prévaloir la volonté générale. Ainsi, ce sont les individus qui sont
titulaires de la souveraineté et décident donc du régime politique le
plus apte à défendre leurs droits avec la loi comme outil. Pour l'abbé
Sieyès, cette souveraineté doit être déléguée à des représentants. Il
développe l'idée que le tiers état (qui représente la quasi-totalité des
français) constitue la Nation, et que ses représentants expriment alors
la volonté générale. Mais, contrairement au système représentatif de
l'Ancien régime (lors des États Généraux notamment), il réfute toute
idée de mandat impératif : chaque élu ne représente pas sa circonscription,
mais la nation dans son ensemble. Ce système, encore en
vigueur aujourd'hui, implique que l'Assemblée nationale soit dès lors
la bouche de la volonté générale.
Si la critique de l'Ancien Régime est bien connue du côté des Lumières,
on peut également noter qu'en pratique, certains projets antérieurs à
la Révolution ont eu pour ambition de repenser l'administration. Sur
le plan judiciaire, la réforme Maupeou, qui propose entre autres la
gratuité de la justice, se heurte à la résistance des Parlements avant
d'être abandonnée par Louis XVI. Sur un autre plan, les tentatives
de Turgot de libéraliser l'économie, critiquées à la Cour, conduisent à
son renvoi. Pourtant, la situation financière critique du royaume rend
obligatoire une réforme. Plus largement, c'est la question de la répartition
de l'impôt et celle d'une réorganisation de l'administration qui se
posent. C'est dans ce contexte que le roi décide la tenue des États
Généraux de 1789, près de deux siècles après leur dernière réunion.
LA NOMOPHILIE PRATIQUE DES RÉVOLUTIONNAIRES
Symbole de la rupture avec l'Ancien droit, la Déclaration des Droits
de l'Homme et du Citoyen (DDHC) est proclamée le 26 août 1789.
Toujours d'actualité aujourd'hui, elle a intégré le bloc de constitutionnalité
(décision du Conseil Constitutionnel de 1971), et s'impose au
législateur. En proclamant la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance
à l'oppression en tant que droits naturels (art. 2), elle fixe
ainsi les règles que l'État ne doit outrepasser, sous peine de voir le
peuple légitimement se révolter. Par leur caractère naturel, ces droits
sont inaliénables et imprescriptibles. En tant qu' « expression de la
volonté générale » (art. 6), la loi devient l'instrument de réalisation
du Contrat social symbolisé par l'État. Elle ne peut malfaire puisque
la volonté générale ne peut se tromper ; par sa portée globale, elle est
également vectrice du principe d'égalité (art. 1er
). Elle se décline alors
en deux niveaux : le niveau constitutionnel et le niveau ordinaire.
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