En poche - Introduction historique au droit - 2e - 45

métropole : les enjeux économiques bien sûr, mais également une
mission civilisatrice.
Dès lors qu'un territoire est colonisé se pose la question du droit qui
lui sera appliqué. Aussi, la métropole sera amenée à trouver un équilibre
entre ses volontés assimilationnistes, issues de la Révolution et
en vertu desquelles l'uniformité du Droit est un préalable au principe
d'égalité, et la réalité d'un espace où des peuples différents cohabitent.
En ce sens, la métropole garde un poids important, notamment
en vertu du principe de spécialité législative : lorsqu'il légifère, le
législateur doit prévoir expressément les mesures qu'il souhaite voir
appliquées dans les colonies. De même, il a le loisir de prendre des
mesures particulières pour chaque territoire. Tout cela à condition, toutefois,
que le texte soit promulgué par le gouverneur local.
L'abolition définitive de l'esclavage en 1848 contribue également à
s'interroger sur le recours à la personnalité des lois ou à la territorialité
du Droit. Ainsi, l'application uniforme du Code civil métropolitain
relève presque de la chimère : d'abord, il vient heurter le mode de
vie traditionnel des habitants ; ensuite, si ces derniers jouissent de
la nationalité française, tous ne sont pas reconnus comme citoyens.
Ceux-là se voient appliquer dans certaines colonies un Code de l'indigénat
où leurs droits sont encadrés : on a donc en place un système
de personnalité des lois. Toutefois, le pouvoir central, explique Claire
Lovisi, reste aux commandes : il encadre certaines pratiques au nom
de « l'ordre public colonial », tout en se lançant dans un important
mouvement de codification des coutumes locales. On a donc une
coexistence de plusieurs ordres juridiques.
L'ESSOR DU DROIT PUBLIC : L'EXEMPLE DU DROIT ADMINISTRATIF
En
matière administrative, le juge devient progressivement une source
majeure du Droit. Les révolutionnaires qui se méfient des parlements
d'Ancien régime interdisent ainsi au juge judiciaire de connaître des
affaires administratives : ce sont les fameuses lois des 16 et 24 août
1790 qui disposent que « Les fonctions judiciaires sont distinctes et
demeureront toujours séparées des fonctions administratives ; Les
juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler de quelque manière
que ce soit les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux
les administrateurs en raison de leurs fonctions ». Ces dispositions
sont rappelées par le décret du 16 fructidor an III : « Défenses itératives
sont faites aux tribunaux de connaître des actes d'administration,
de quelque espèce qu'ils soient, aux peines de droit ». C'est la théorie
du « ministre-juge » : le seul moyen pour un citoyen de contester une
décision administrative est alors de former un recours gracieux devant
le ministre de tutelle de l'administration, avec un appel possible devant
le chef de l'État qui consulte le Conseil d'État, créé par la Constitution
de l'an VIII. On parle alors de justice retenue entre les mains de l'État.
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