Mémentos - Droit de l'aide et de l'action sociales - 2e - 59

CHAPITRE 2 - La base constitutionnelle du droit de l'aide et de l'action sociales 59
Pour aller plus loin
Dans sa décision nº 2003-483 DC du 14 août 2003 sur la loi réformant les retraites, le Conseil
constitutionnel a clairement refusé de conférer une valeur constitutionnelle à la notion
d'équité ; il a en effet affirmé que si « le motif d'équité inspire plusieurs des dispositions particulières
figurant dans le texte déféré » (montant minimal de pension, amélioration de la situation
du conjoint survivant, prise en compte du handicap), l'article 3 de la loi, qui dispose que
« les assurés doivent pouvoir bénéficier d'un traitement équitable », est « dépourvu, par luimême,
de valeur normative ». En niant toute normativité au « motif d'équité », les gardiens
de la Constitution ont singulièrement manqué d'audace, car l'équité constitue clairement le
fondement de dispositifs législatifs. En outre, cette prudence à l'égard de la juridicité d'une
notion philosophico-morale cultive une certaine ambiguïté, dans la mesure où l'équité justifie
des dérogations parfois importantes au principe d'égalité.
74. La possibilité de réaménager les conditions d'accès à une prestation
sociale. S'il ne peut pas, en application de la jurisprudence du cliquet anti-retour39
remplacer des dispositions législatives par d'autres normes d'égale valeur qui auraient
pour effet de supprimer les garanties antérieures, le législateur peut néanmoins réaménager
les conditions d'accès à une prestation sociale en ajoutant, par exemple, une
condition supplémentaire comme la résidence sur le territoire40
. La position adoptée
par le Conseil constitutionnel laisse donc une grande marge de manœuvre au législateur,
d'autant plus que, de façon logique, le Conseil constitutionnel refuse de reconnaître
un caractère intangible aux droits sociaux. Dans sa décision nº 99-416 DC du
23 juillet 1999 sur la loi instaurant la couverture maladie universelle (CMU), le Conseil
constitutionnel a ainsi rappelé que le législateur est « libre de choisir les modalités qui
lui paraissent appropriées pour assurer la protection sociale, compte tenu de
l'ensemble des prestations existantes et dès lors qu'il ne prive pas de garantie légale
les exigences découlant des 10e
et 11e alinéas du Préambule de la Constitution
de 1946 ».
B - Le bilan des QPC dans le domaine de l'aide et de l'action
sociales
75. S'il a pu être écrit que le bilan des QPC était mitigé dans le domaine de la protection
sociale41
, il est possible de nuancer cette affirmation en mesurant tout de même
l'ouverture juridique rendue possible par le contrôle de constitutionnalité a posteriori,
qui s'est, d'ores et déjà, traduit par l'abrogation de plusieurs lois à finalité sociale dont
la disparition a permis soit, de rétablir une certaine forme de justice sociale (v. infra,
no
76 à 78) soit de préserver l'impartialité dans la justice sociale (v. infra, nº 79) soit,
de préserver le principe d'égalité (v. infra, nº 80).
--
39. Cons. const., 20 janv. 1984, nº 86-225 DC. Boyer-Capelle (C.), « L'effet cliquet à l'épreuve de la
QPC », AJDA 2011, p. 1719.
40. Cons. const., 23 janv. 1987, nº 86-225 DC : Dr. soc. 1987, p. 345, note Prétot X.
41. Gay L., « L'égalité et la protection sociale dans les premières décisions QPC du Conseil constitutionnel :
un bilan mitigé », RDSS 2010, p. 1061.

Mémentos - Droit de l'aide et de l'action sociales - 2e

Table des matières de la publication Mémentos - Droit de l'aide et de l'action sociales - 2e