Mémentos - Droit pénal des affaires - 3e - 145

CHAPITRE
17
L'abus de biens sociaux
Commettre un abus de biens sociaux, pour un dirigeant, c'est « faire, de mauvaise foi,
des biens ou du crédit de la société, un usage que l'on sait contraire à l'intérêt de celleci,
à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle
l'on est intéressé directement ou indirectement ».
L'abus de biens sociaux est l'infraction la plus connue du droit pénal des affaires, en
raison de sa médiatisation très importante dans la presse à la suite de multiples scandales
politico-financiers. Cette infraction n'existait pas au XIX
e siècle. Elle fut créée à la
suite de l'affaire dite Stavisky, qui intervient en plein marasme économique provoqué
par la crise de 1929. Stavisky, escroc notoire, avait fondé à Bayonne un crédit municipal
qui fut l'occasion de nombreuses malversations. Cette affaire révéla deux lacunes
majeures de l'infraction d'abus de confiance, alors seule infraction applicable à des
faits similaires de détournements : d'une part, le champ de l'abus de confiance était
circonscrit par les six contrats listés par l'article 408 de l'ancien Code pénal et, d'autre
part, la jurisprudence a toujours considéré que l'abus de confiance n'était pas applicable
aux détournements concernant des biens immobiliers. L'abus de biens sociaux fut donc
créé par le décret-loi du 8 août 1935, afin de pallier ces insuffisances et pour prendre en
compte les nouvelles réalités économiques.
Ainsi, des limites, mais aussi du ventre de l'abus de confiance, est né l'abus de biens
sociaux. Cette filiation se ressent toujours aujourd'hui : si l'abus de biens sociaux
constitue un droit pénal spécial applicable à des sociétés précisément énumérées,
l'abus de confiance demeure l'infraction générale, l'« infraction-mère ».
Ainsi, le champ d'application de l'infraction d'abus de biens sociaux doit être précisément
borné, afin de comprendre l'étendue, mais aussi les limites, de son domaine (1).
Une fois ce préalable accompli, il sera nécessaire d'examiner les éléments constitutifs
de l'infraction (2) et la répression de délit (3).
1* LE DOMAINE DE L'ABUS DE BIENS SOCIAUX
Pour que l'abus de biens sociaux puisse être retenu, il faut, bien entendu, que tous les
éléments constitutifs de l'infraction soient réunis. Mais il faut au préalable que l'on soit
dans le champ légal particulier et précis de cette infraction spécifique. À défaut de dispositions
particulières réprimant l'abus de biens sociaux, on retombera sur la qualification générale
d'abus de confiance (C. pén., art. 314-1). Qui est donc concerné ? Il convient, par conséquent,
de cibler tout d'abord les sociétés victimes protégées par le champ pénal (A), et
ensuite les auteurs de l'abus de biens sociaux, à savoir les dirigeants desdites sociétés (B).

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