Mémentos - Droit pénal des affaires - 3e - 150

150
MÉMENTOS - DROIT PÉNAL DES AFFAIRES
Pour aller plus loin
L'acte d'abus : action ou omission ?
Dans un premier temps, la jurisprudence a considéré que cet usage pouvait résulter d'une
action, comme d'une omission, c'est-à-dire d'une abstention volontaire du dirigeant. La passivité,
un comportement s'apparentant à un « laisser-faire », permettrait de retenir la qualification
pénale d'abus de biens sociaux (CA Bordeaux, 17 févr. 2004 et Cass. crim., 8 sept. 2004 :
JCP E 2005, nº 20, p. 828, § 4, obs. Muller). La Cour de cassation a estimé en 2004 que l'infraction
pouvait se commettre par simple abstention : « L'usage des biens ou du crédit de la société
[...] peut résulter non seulement d'une action, mais aussi d'une abstention volontaire »
(Cass. crim., 28 janv. 2004, nº 02-88094, inédit). Une telle solution fut critiquée par une partie
de la doctrine. De plus, cette jurisprudence est d'autant plus incohérente que lorsque de tels
détournements sont commis après la cessation des paiements, la banqueroute par abstention
ne sera pas retenue (Cass. crim., 12 janv. 2005, nº 04-80513, inédit). Toutefois, dans un arrêt
postérieur, rendu en 2007 - mais hélas à la fois unique et inédit au Bulletin -, la Cour de cassation
a décidé au contraire que le fait pour un dirigeant de ne pas s'opposer au comportement
illicite de son associé, qui s'était acheté une Porsche Carrera avec les fonds de la société, ne
caractérisait pas sa participation personnelle (Cass. crim., 7 sept. 2005, nº 05-80163, inédit :
RSC 2006, p.331, obs. D. Rebut). Le comportement passif du dirigeant ne permettrait donc
pas de retenir l'abus de biens sociaux. Sur cette question, on regrettera toutefois que les
arrêts soient à la fois trop rares et trop anciens pour fixer véritablement la jurisprudence.
Afin de pouvoir engager des poursuites contre le dirigeant passif, la solution pourrait éventuellement
être trouvée dans les règles générales de la complicité. En effet, même si, en principe, le
comportement du complice doit être actif, positif - l'article 121-7, al. 1er
, imposant la démonstration
d'une aide ou d'une assistance -, une jurisprudence très extensive a pu retenir dans
plusieurs situations une omission dans l'action. L'abstention peut être considérée comme
punissable lorsque, en raison de sa profession ou de sa fonction, l'agent avait le pouvoir et le
devoir d'agir : « si la complicité par aide ou assistance ne peut s'induire d'une simple inaction
ou abstention, elle se trouve en revanche caractérisée lorsque, comme en l'espèce, le demandeur,
membre du directoire [de la société], ayant connaissance des abus de biens sociaux
auxquels se livrait son président, a laissé les commettre, alors qu'il avait les moyens que lui
donne la loi de s'y opposer » (Cass. crim., 28 mai 1980, arrêt Pernot : D. 1981. IR. 137, obs.
G. Roujou de Boubée ; Les grands arrêts du droit pénal général, Dalloz, 11e
note A. Varinard) ; cf. également : Cass. crim., 4 juin 2021, n° 21-81656, inédit).
éd. 2018, nº 34,
2) Le caractère contraire à l'intérêt social
Pour être répréhensible, l'usage des biens ou du crédit de la société doit être contraire à
l'intérêt social, c'est-à-dire exposer la personne morale à un risque de pertes, la priver
d'avantages. En raison de cet usage abusif, de ce comportement indélicat du dirigeant
social, l'intégrité de l'actif social est compromise. Le comportement qui est incriminé,
c'est en définitive, pour résumer, celui qui démontre que le dirigeant se conduit avec sa
société comme si elle était un bien propre de son patrimoine personnel.
a) Les comportements caractérisant un abus de biens sociaux
Les comportements les plus divers et variés sont donc ainsi sanctionnés. Il s'agit par
exemple du fait de s'octroyer des rémunérations indues, voire excessives, ou d'utiliser
les fonds de la société pour jouer au casino et financer son train de vie dispendieux11
--
11. Cass. crim., 28 mars 2018, nº 17-81114, inédit.
.
Est également coupable d'abus de biens sociaux le dirigeant qui pense que son épouse
Mémentos - Droit pénal des affaires - 3e

Table des matières de la publication Mémentos - Droit pénal des affaires - 3e
