Mémentos - Droit pénal des affaires - 3e - 37

CHAPITRE 2 - L'escroquerie
37
sommes d'argent à sa victime lors de séances multiples de voyance en lui faisant croire
que ses souhaits finiront par être exaucés13
. D'autre part, en arguant d'un crédit imaginaire,
l'auteur va conduire sa victime à croire en sa solvabilité factice, comportement qui
se retrouve souvent en matière commerciale et des affaires. Ainsi, le fait de prétendre
avoir conclu de gros contrats avec un supermarché, attesté mensongèrement par de
faux documents publicitaires, et d'acheter alors sur un marché agricole à des éleveurs
des milliers de moutons avec des chèques sans provision, puis de les revendre aussitôt
à perte, caractérise le délit d'escroquerie14
. De même, le fait pour un commerçant
d'adresser à une société fournisseuse de faux bons de commande ne correspondant à
aucun achat de clients, dans le but de percevoir une commission sur chacune de ces
ventes fictives, caractérise l'escroquerie : les manœuvres frauduleuses sont caractérisées
par l'intervention de tiers fictifs (les prétendus clients), destinées à persuader la victime -
l'entreprise fournisseuse - de l'existence d'un crédit imaginaire et à obtenir la remise des
fonds15
. Une autre pratique frauduleuse réprimée au titre de l'escroquerie consiste dans
le fait de présenter à l'escompte des traites non causées ou de complaisance. On notera
d'ailleurs que ce comportement est également susceptible d'être appréhendé au titre de
la banqueroute (v. Chapitre 19, concernant la banqueroute par emploi de moyens
ruineux, tels que les opérations fictives ou de cavalerie).
Point de jurisprudence
Crédit imaginaire et effets de commerce
Cass. crim., 18 juill. 2017, nº 16-83346, inédit : dans cette affaire, deux dirigeants de deux
sociétés différentes, qui travaillaient en lien étroit et permanent, avaient mis au point un
système de cavalerie. Le premier dirigeant présentait à l'escompte des traites non causées
tirées sur la seconde société, à qui il remettait en contrepartie des chèques d'un montant inférieur.
La Cour de cassation rappelle que « ce dispositif, qui repose sur l'émission de traites ne
correspondant pas à des opérations commerciales, caractérise les manœuvres frauduleuses
ayant déterminé une remise sens de l'article 313-1 du Code pénal ». Ils sont tous deux
condamnés - entre autres infractions - pour escroquerie au préjudice de la société dépouillée
et des établissements bancaires.
Cass. crim., 25 nov. 2020, nº 19-81260, inédit : le fait de céder en Dailly dix-sept fausses
factures caractérise une manœuvre frauduleuse ayant déterminé une banque à régler lesdites
factures car « la cession de créances s'opère par la seule remise au cessionnaire du bordereau
prévu par l'article L. 323-13 du Code monétaire et financier, de sorte que la remise d'un bordereau
inexact, qui, laissant croire à une créance réelle, vaut titre, suffit à caractériser la
manœuvre frauduleuse qui, ayant déterminé la banque cessionnaire à consentir un escompte
sur la base d'une contrepartie fictive, est constitutive du délit d'escroquerie ».
3) Persuader de la survenance d'un événement chimérique
La survenance d'un événement chimérique est l'expression la plus large ; elle permet de
réprimer toute affirmation fallacieuse et trompeuse. Par exemple, le fait de dépouiller un
vieillard en lui faisant croire qu'il sera alors pris entièrement en charge par une maison de
retraite jusqu'à la fin de ses jours16
. Il en va de même des escrocs trompant leurs victimes
--
13. Cass. crim., 19 févr. 2013, nº 12-80440, inédit.
14. Cass. crim., 18 mai 1981, nº 80-91888 : Bull. crim., nº 160.
15. Cass. crim., 23 avril 1991, nº 90-80808 : Bull. crim., nº 192.
16. Cass. crim., 7 mai 1974, nº 72-91900 : Bull. crim., nº 160.

Mémentos - Droit pénal des affaires - 3e

Table des matières de la publication Mémentos - Droit pénal des affaires - 3e