Mémentos - Droit de l'aide et de l'action sociales - 3e - 55

CHAPITRE 2 - La base constitutionnelle du droit de l'aide et de l'action sociales 55
62. La prudence prétorienne à l'égard de la fraternité. Une affaire jugée en
septembre 2020 a mis en évidence la prudence du Conseil d'État à l'égard de la
fraternité17
. Le Conseil d'État a, en effet, rejeté la requête en écartant sans motivation
l'invocation du principe de fraternité, dont la violation était invoquée par une association
invitant le juge administratif suprême à censurer un décret ; celui-ci se bornait à
indemniser uniquement les spoliations dont ont été victimes les personnes visées par
les législations antisémites pendant la Seconde Guerre mondiale, alors que les Tsiganes
ont subi un sort identique pour les mêmes nauséabondes raisons. Pour le Conseil
d'État, les organisations requérantes ne pouvaient utilement soutenir que le principe
de fraternité exige qu'il soit mis fin à la différence de traitement résultant de ce
décret entre les deux catégories de populations spoliées pendant le régime de Vichy.
Une auteure évoque le « quasi-silence du Conseil d'État sur la fraternité »18
et regrette,
à juste titre, le manque d'audace du juge administratif suprême, qui était saisi pour la
première fois sur le fondement du principe de fraternité dans le contentieux de l'excès
de pouvoir. Le Conseil d'État a suivi les recommandations de la rapporteure publique,
Mme
Sophie Roussel, qui concluait sur l'invocation de la fraternité en lui conseillant de
ne pas être « l'éclaireur sur cette question, du moins pas aujourd'hui », alors même
que les moyens des requérants pouvaient inviter le juge à « se saisir de la dimension
collective du principe de fraternité ». De même, dans la décision QPC nº 2019-80519
du 27 septembre 2019 concernant les gens du voyage et forains, le Conseil a jugé
que « les 2º, 4º et 5º des paragraphes I et I bis de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000
qui n'instituent aucune discrimination fondée sur une origine ethnique et ne méconnaissent
pas non plus le principe de fraternité ». Dans sa décision du 15 décembre
2022, le Conseil constitutionnel a refusé de voir dans la modulation par le pouvoir
réglementaire du montant de l'assurance chômage en fonction d'indicateurs conjoncturels
sur l'emploi et le fonctionnement du marché du travail une violation, non seulement
du principe d'égalité devant la loi, mais également du principe de fraternité20
mars 2023, le Conseil a également écarté sans réelle motivation la violation du principe
de fraternité par la rédaction pourtant problématique de l'article L. 146-5 du CASF,
relatif au plafonnement des frais de compensation restant à la charge des personnes
handicapées après qu'elles ont reçu la PCH21
.
La fraternité invoquée pendant la Covid-19
Il n'est pas indifférent de relever que l'une des premières requêtes devant le Conseil d'État
en période d'état d'urgence sanitaire avait invoqué le principe de fraternité au soutien de
la demande à l'État de prendre des mesures dérogatoires pour les individus en situation de
grande précarité afin qu'ils puissent avoir accès aux aides22
. Le Conseil d'État a toutefois
considéré que la singularité des événements justifiait qu'une entrave fût apportée à la
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17. CE, 25 sept. 2020, nº 437524, Union défense active des forains.
18. Laporte M., « Le refus adressé aux Tsiganes et gens du voyage d'accéder à la CIVS face aux principes
d'égalité et de fraternité », Dr. adm. janv. 2021, étude nº 1, p. 39.
19. Cons. const., 27 sept. 2019, déc. nº 2019-805 (Union de défense active des forains et autres [Obligation
d'accueil des gens du voyage et interdiction du stationnement des résidences mobiles]).
20. Cons. const., 15 déc. 2022 ; nº 2022-844-DC.
21. Cons. const., 24 mars 2023, nº 2023-1039-QPC, Association Handi-social et a.
22. CE, 9 avr. 2020, nº 439895, Association Mouvement citoyen Tous Migrants et a.
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