Mémentos - Introduction générale au droit - 17e - 87

CHAPITRE 3 - La loi
87
a) La primauté du droit de l'Union européenne
179. Condition de survie du droit de l'UE, le principe de sa primauté sur le droit
national12
a été consacré par la Cour de justice des Communautés européennes.
CJCE, 15 juillet 1964, nº 6/64, Costa/E.N.E.L., Rec. p. 1141 : « le transfert opéré par les États, de
leur ordre juridique interne au profit de l'ordre juridique communautaire, des droits et obligations
correspondant aux dispositions du traité, entraîne donc une limitation définitive de leurs
droits souverains contre laquelle ne saurait prévaloir un acte unilatéral ultérieur incompatible
avec la notion de Communauté ».
Ainsi les tribunaux ont l'obligation de refuser l'application de toute règle de droit
interne, même postérieure, qui serait contraire au droit communautaire13
. La Cour de
justice tend à faire prévaloir une vision maximaliste de ce principe qui rencontre des réticences
de la part des États membres, non au regard de leurs lois, mais au regard de leurs
droits fondamentaux et de leurs textes constitutionnels.
180. Pour la Cour de justice de l'Union européenne, le principe de primauté est valable
pour toutes les dispositions du droit originaire comme du droit dérivé, celui-ci doit
même l'emporter sur les normes constitutionnelles des États membres14
. Sur ce point
les Cours suprêmes des États membres résistent et tendent à soustraire leur droit
constitutionnel à la primauté du droit de l'Union européenne. Ainsi la Cour constitutionnelle
allemande refuse de consacrer la suprématie du droit de l'UE dès lors qu'il
contreviendrait à ses droits fondamentaux. Elle atténue la rudesse de la solution en
reconnaissant qu'en principe les garanties offertes par les deux droits sont équivalentes
et en séparant les sphères d'intervention des deux ordres juridiques sur le fondement
de la spécialité du droit de l'UE. Tout en ménageant le principe de coopération la
Haute Cour prévoit deux types de contrôles. Le premier vise à s'assurer de l'absence
d'un dépassement irrégulier de sa compétence par l'institution européenne
(y compris laCJUE). Lesecond concernelecontrôledepréservation del'identité
constitutionnelle15
. Alors qu'un consensus semblait établi, par une décision du 5 mai
2020, la Cour constitutionnelle allemande a jugé que la Banque Centrale européenne
(BCE) était allée au-delà de ses pouvoirs, avait agi « ultra vires », dans le cadre de la
politique d'aide arrêtée en raison de la crise économique consécutive à l'épidémie de
la Covid-19. Cette décision est prise alors que la CJUE avait émis un avis validant
l'action de la BCE. En raison de cette divergence d'analyse, la Cour suprême se considère
comme libre de procéder à son propre contrôle afin de vérifier que la BCE
respecte les limites de ses compétences issues des traités. Cette décision témoigne
des conflits susceptibles d'apparaître dans le contrôle de la supériorité des normes.
Elle a provoqué deux réactions, celle de la CJUE qui rappelle qu'elle est seule compétente
pour juger du respect des traités de l'UE et celle de la Commission européenne
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12. Kovar R., « Primauté du droit communautaire », J.-Cl. Europe, fasc. 431 ; De Witte B., « La primauté
du droit communautaire à la lumière du droit international », RTD eur. 1984, p. 425.
13. CJCE, 9 mars 1978, nº C-188/10, Simmenthal ; CJUE, 22 juin 2010, nº C-189/10, Melki.
14. CJCE, 17 déc. 1970, nº 11/70, Internationale Handelgesellschaft, Rec. p. 1125.
15. J.-Cl. Europe Traité, fasc. 196 Ordre juridique de l'Union européenne - Primauté du droit de l'Union
européenne, 2017, R. Medhi, nº 78 et s.

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