Les Carrés Rouge - L'essentiel du droit des biens - 16e - 51

CHAPITRE 2 - La structure du droit de propriété
49
sociale, critère de l'abus de droit). Le droit de propriété a fait l'objet des premières décisions en
matière d'abus de droit. Souvent destiné à nuire aux voisins, cet abus prend les formes les plus
variées : construction d'une fausse cheminée (CA Colmar, 2 mai 1855, arrêt Doerr), érection de
piques pour gêner l'évolution des ballons dirigeables du voisin (Cass. req., 3 août 1915, nº0002378,
arrêt Clément-Bayard), plantation d'un rideau de fougères devant la fenêtre du voisin
(Cass. civ., 20janv. 1964, arrêt Lassus). Dans la plupart des décisions, l'intention de nuire est
démontrée et caractérise l'abus du droit de propriété. Dans d'autres décisions, les magistrats
utilisent un second critère, celui de l'absence de « satisfaction d'un intérêt légitime et sérieux ». Ils
sanctionnent l'accomplissement d'actes malveillants qui ne se justifient par aucune utilité pour leur
auteur et portent préjudice à autrui (exemple typique de la fausse cheminée).
L'abus entraîne la responsabilité de droit commun de son auteur qui est alors contraint de réparer
le préjudice causé. La réparation se fait en nature (ex. : suppression de la source du dommage et
remise en état des lieux) ou par équivalent (dommages-intérêts).
On peut noter cependant que la jurisprudence considère que la défense du droit de propriété
contre un empiétement ne peut dégénérer en abus (si minime que soit l'empiétement, dans la
mesure où il conduit à priver le propriétaire d'une partie de son droit, l'ouvrage peut être démoli).
La théorie de l'abus de droit est aujourd'hui concurrencée par celle de troubles du voisinage qui a
acquis son autonomie et s'est développée grâce à la simplicité de sa mise en œuvre : il suffit que
le trouble soit anormal alors l'abus nécessite une preuve plus difficile à établir (faute, intention de
nuire).
b) Le trouble anormal de voisinage
La vie en collectivité impose de respecter et supporter les inconvénients de son voisinage. Cependant,
le dommage anormal, parce qu'excessif, doit être réparé. Un arrêt de la Chambre des
requêtes du 20 février 1949 a initié cette jurisprudence en affirmant que « Le droit de propriété
est limité par l'obligation naturelle et légale de ne causer à la propriété d'autrui aucun
dommage ». Cette nouvelle responsabilité n'a cessé depuis d'augmenter avec le développement
des nuisances (bruits, pollutions, odeurs...) produites par des particuliers ou des industriels.
1) Les fondements du trouble de voisinage
Àl'origine, le trouble de voisinage a été une application de la théorie de l'abus de droit. Il s'en est
progressivement détaché : la responsabilité peut être engagée même si aucune faute n'a été
commise. Dans deux arrêts de principe en date du 4 février 1971, la Cour de cassation a écarté
toute référence à la faute. Selon elle, si le propriétaire voisin de celui qui construit légitimement
sur son terrain est (néanmoins) tenu de subir les inconvénients normaux du voisinage, en

Les Carrés Rouge - L'essentiel du droit des biens - 16e

Table des matières de la publication Les Carrés Rouge - L'essentiel du droit des biens - 16e