Fonction publique - Concours ENM 2024 - 7e - 59

ANNALES CONCOURS 2023
Droit public
DROIT
PUBLIC
QUESTIONS DE DROIT PUBLIC
Question 1 - Le droit d'amendement
Le nombre d'amendements déposés par les parlementaires a connu une augmentation exponentielle sous
les dernières législatures. Il est ainsi passé de 4 592 pour la période 1958-1962, à environ 200 000 au cours
des années 2017 à 2022. Le droit d'amender est ainsi devenu indissociable du processus législatif moderne.
Le droit d'amender renvoie à la faculté d'améliorer et plus particulièrement à pouvoir modifier utilement
le contenu d'un texte. En matière parlementaire, le droit d'amendement est la possibilité de modifier un
texte de loi en discussion devant le Parlement. Il peut s'agir de la modification du texte, d'une suppression
partielle ou totale de certains articles, ou encore de l'ajout de nouvelles dispositions.
Le droit d'amendement constitue fondamentalement un outil démocratique ouvert aux parlementaires.
En effet, si le droit d'amendement appartient à la fois aux membres du Parlement et au gouvernement
(article 44 de la Constitution), il permet surtout au Parlement de participer à l'adoption de la loi, tout
particulièrement lorsque la majorité des textes adoptés sont issus de projets de lois. Plus largement, le droit
d'amendement a pour objet de servir l'expression de la volonté générale en enrichissant le texte par les
apports croisés des parlementaires quelle que soit leur sensibilité politique.
Toutefois, si ce droit d'amendement a été pensé à la fois comme un instrument servant, ensemble, le bon
fonctionnement de la démocratie et la qualité de la loi, il apparaît aujourd'hui comme un instrument de
nature à retarder, voire paralyser l'action du gouvernement.
En effet, le droit d'amendement a suivi les évolutions de la procédure législative depuis 1958. Quasiment
illimité sous les IIIe
et IVe Républiques, le droit d'amendement a été rationalisé lors de l'adoption de la
Constitution de la Ve République et par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Malgré la volonté
d'encadrer ce droit, son usage a été profondément bouleversé par l'avènement du fait majoritaire en 1962,
puis par l'arrivée de la cohabitation dans les années 1980.
Malgré les tentatives pour en limiter l'usage, l'exemple récent de la loi du 14 avril 2023 de financement
rectificative de la sécurité sociale pour 2023 - qui recule notamment l'âge de départ à la retraite - montre
qu'à elle seule, cette loi a fait l'objet de plus de 20 000 amendements parlementaires. Ainsi, loin de participer
à l'amélioration de la loi, le droit d'amendement paraît ainsi dévoyé pour être devenu un instrument de
blocage voire de revendication de nature politique. De même, les excès de son usage semblent remettre en
question sa fonction première qui est d'assurer le fonctionnement démocratique des institutions. En effet,
dans la période récente, l'allongement des délais d'adoption des lois a souvent contraint le gouvernement,
en charge de la détermination et de la conduite de la politique de la Nation (Const., art. 20), à recourir à
des procédures qui suppriment le droit d'amendement des parlementaires.
Ainsi, le droit d'amendement est aujourd'hui inséparable d'une étude sur les motifs qui guident son
utilisation. Il s'agit ainsi de vérifier si ce droit correspond toujours à sa définition première qui est celle d'un
instrument au service de la loi, assurant la vitalité du fonctionnement démocratique de nos institutions.
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