Hors collection - Le patrimoine du chef d'entreprise - 3e - 15

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s'émanciper à terme de la concurrence pour s'orienter vers de nouveaux secteurs à fort potentiel.
L'ancien professeur de stratégie d'Harvard, Clayton Christensen, considérait que les entreprises qui
sont dirigées par des managers compétents sur le plan opérationnel mais qui n'entreprennent pas suffisamment
finissent tôt ou tard par péricliter. Ce fut le cas par exemple de firmes emblématiques comme
American Airlines, Kodak ou Nortel. Si le manager doit innover pour accroître l'efficacité opérationnelle,
l'entrepreneur doit faire preuve de créativité. Ces notions d'innovation et de créativité sont de
nature différente2
.L'innovation permet d'améliorer les produits et services commercialisés au sein
d'un secteur d'activité donné (on raisonne « in the box ») alors que la créativité vise à repenser la structure
même du secteur et à rompre avec les règles unanimement admises en son sein (raisonnement
« out of the box »). Dans leur livre Stratégie Océan Bleu, Kim et Mauborgne3
ont montré à travers leur
concept de « canevas stratégique » que les entreprises peuvent créer de la valeur en redéfinissant les
frontières de leur industrie ou en allant chercher les « non-clients ». C'est ce qu'a fait par exemple la
société Zoom en se focalisant sur la clientèle des particuliers qui avait été jusqu'alors délaissée par les
leaders du marché des services de téléconférence qui s'étaient exclusivement focalisés sur la clientèle
des grands comptes.
Orientation vers la création de valeur
Certains dirigeants sont doués pour créer de la valeur en cherchant constamment à améliorer la valeur de leur offre de base. Ils
étudient pour cela l'expérience client et le parcours des consommateurs pour proposer une offre toujours plus étoffée. La seule
chose qui compte pour ces dirigeants c'est que leurs clients parviennent à atteindre les résultats souhaités. C'est le concept de
« carte de valeurs » développé au sein du MBA d'Harvard qui consiste à étudier la façon dont les clients agissent et à classer les
inducteurs de valeur qui sont les plus importants pour eux. On regarde ensuite si l'entreprise répond aux besoins exprimés ou
latents. Il faut donc prendre le temps d'interagir avec les clients. C'est par exemple après avoir établi sa « carte de valeurs »
qu'une chaîne de cinéma américaine a décidé d'installer dans chacun de ses établissements un espace de garde d'enfants
pour que les parents puissent visualiser un film en toute tranquillité.
Contribuer au bien commun
Dans le contexte actuel, les chefs d'entreprise ne peuvent plus se contenter d'être des managers et des
entrepreneurs. Ils doivent, et c'est la nouveauté, endosser une nouvelle fonction : contribuer au bien
commun.
Dès 1978, une directive européenne a précisé que les entreprises ne pouvaient plus se contenter de
satisfaire les seuls actionnaires et de publier des comptes uniquement comptables et financiers. Les
comptes annuels et le rapport de gestion doivent aussi informer les tiers des perspectives et des
risques qui y sont liés. Le droit a ensuite dû s'adapter pour permettre aux partenaires de l'entreprise
d'être mieux informés des risques qu'ils prennent et renforcer les droits des salariés ou des actionnaires
minoritaires. C'est dans ce contexte qu'est apparue l'exigence de transparence des informations transmises
au marché. La jurisprudence considère désormais que l'abus de bien social (ABS) « porte
atteinte non seulement aux intérêts des associés mais également à ceux des tiers qui contractent avec
2. Par exemple, la société Bic, qui a longtemps fabriqué des stylos à une couleur, s'est mise à innover quand elle a
commercialisé des stylos à quatre couleurs mais elle a fait preuve de créativité lorsqu'elle est sortie de son métier d'origine
pour vendre des briquets et des parfums jetables.
3. R. Mauborgne & W.-C. Kim, Stratégie Océan Bleu, Pearson, 2008.

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