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SANCTIONNER LES USAGES « DÉVIANTS » D'INSTRUMENTS DIGITAUX
160. Est-il possible pour l'employeur de justifier
d'une sanction du fait d'un contenu d'une revue
papier privé reçu par le salarié sur le lieu de travail
? - Non. Un courrier adressé à un salarié sus son
lieu de travail et contenant une revue « particulièrement
obscène » avait été ouvert par mégarde par le service
courrier car non désigné comme privé sur son enveloppe
par l'expéditeur. La Cour de cassation refuse que
le salarié puisse être sanctionné14
.
La cour d'appel avait notamment retenu que les faits
avaient provoqué un trouble dans l'entreprise, porté
atteinte à son image de marque et eu immanquablement
un retentissement certain sur la personne même de son
directeur dont le destinataire de la revue était le chauffeur.
Toutefois la Cour de cassation indiquera que :
* un trouble objectif dans le fonctionnement de l'entreprise
ne permet pas en lui-même de prononcer une
sanction disciplinaire à l'encontre de celui par lequel
il est survenu.
* la réception par le salarié d'une revue qu'il s'est fait
adresser sur le lieu de son travail ne constitue pas un
manquement aux obligations résultant de son contrat.
* l'employeur ne pouvait, sans méconnaître le respect
dû à la vie privée du salarié, se fonder sur le contenu
d'une correspondance privée pour sanctionner son
destinataire.
161. Est-il possible à un employeur de prendre
connaissance des messages émis ou reçus à partir
d'une messagerie instantanée installée sur l'ordinateur
professionnel du salarié ? - Non. La Cour
de cassation constatera que « [...] les messages électroniques
litigieux, échangés au moyen d'une messagerie
instantanée, provenaient d'une boîte à lettres
électronique personnelle distincte de la messagerie
professionnelle dont la salariée disposait pour les
besoins de son activité » donc couverts par le secret
14. Cass. ch. mixte, 18 mai 2007, n° 05-40803.
des correspondances15
. La teneur des messages était
pourtant bien professionnelle.
162. Est-il possible à un employeur de demander
à un salarié de modifier un profil social erroné ? -
Non. Pour la cour d'appel de Rouen, l'ancien employeur
d'un salarié reprochait à ce dernier de se présenter sur
son profil LinkedIn comme ayant eu les fonctions de
directeur logistique de la société jusqu'en 2019 alors
qu'elles avaient cessé en décembre 2017. Il exigeait que
son ancien salarié modifie son profil (ce à quoi il avait été
condamné sous astreinte en 1re
instance)16
.
La Cour indique que les mentions figurant sur le réseau
social LinkedIn n'auraient qu'une valeur déclarative et
rejette que le salarié puisse être contraint en l'absence
de préjudice établi par la société à mettre à jour son
profil LinkedIn, comme le demandait son ancien
employeur.
Dans une autre affaire, La Cour de Toulouse17
indiquait
déjà que l'employeur n'était en droit de demander l'actualisation
d'un profil professionnel LinkedIn que si l'employeur
rapportait la preuve d'un préjudice (le salarié
indiquait encore faire partie de l'entreprise 17 mois après
son licenciement). La Cour retient que « la société intimée
n'établit pas le préjudice qu'elle a subi du fait de
cette absence de mise à jour du profil LinkedIn ».
Notons enfin que, même s'il ne semble pas exister
de jurisprudence spécifique à cette question, un
employeur ne saurait imposer à un salarié de laisser
brancher en continu une caméra pendant ses journées
en télétravail. V. sur ce sujet en particulier la position
de la CNIL dans sa rubrique « Questions-réponses »
relatives au télétravail ainsi que sa fiche « Les conseils
de la CNIL pour mettre en place du télétravail » du
12 novembre 2020.
15. Cass. soc., 23 oct. 2019, n° 17-28-448.
16. CA Rouen, 24 févr. 2022, n° 19/03112.
17. CA Toulouse, 28 juin 2019, n° 17/05107.
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