City & York - L'investisseur stratège - 1re - 304

L ' i n v e s t i s s e u r s t r a t è g e
Il ne s'agitera pas dans un bocal en se cognant la tête de tous les côtés,
percuté par les réseaux sociaux, titillé par des gourous autoproclamés,
agacé par les rodomontades de comptes anonymes.
Portrait de trader - Jean M. et le mur du réel
J'ai accompagné un investisseur, de formation scientifique, rigoureux et
appliqué, ingénieur proche de la retraite, qui s'était lancé dans le swing
trading et
l'investissement de manière sérieuse. Après de longues
recherches et après avoir appliqué des backtests sur des séries larges, il
avait élaboré une stratégie à plus de 70 % de taux de réussite avec un riskreward
largement supérieur à 1. Cela lui assure, sur le papier, un gain
confortable, comme détaillé plus loin dans le chapitre suivant avec le
tableau de performance.
Après le backtest, seule la mise en production, le passage au réel compte.
Ses premières opérations sont malheureusement perdantes et il tombe à
moins de 40 % de taux de réussite, contre plus de 70 % attendus.
Comme déjà expliqué, sur 100 opérations, un taux de réussite de 70 %
dégagera trente pertes, trente pertes qui seront aléatoirement réparties
sur la série d'opérations, trente pertes qui, potentiellement, pourront
s'aligner consécutivement, sans jamais remettre en question la validité du
backtest ni la fiabilité de la stratégie. D'où l'importance de la gestion du
risque, encore et toujours.
Un taux de 40 contre 70 peut faire peur, peut inquiéter - le mur du réel,
encore une fois. Mais tomber à 40 % de taux de réussite sur un échantillon
réduit de moins de 20 opérations, qui plus est en débutant réellement,
est tout sauf surprenant. Dans tous les cas, cela est possible sans
invalider tout son travail.
Pourtant, l'investisseur réduit rapidement la taille de ses positions, ce qui
est la règle face à une série de pertes. Il considère que la stratégie n'est
pas remise en cause, mais que le contexte ne lui est pas favorable. En plus
de cela, il décide de resserrer ses stops.
Malgré ses efforts et son sang-froid, car il ne panique pas, le taux de réussite
se dégrade encore et passe même sous les 30 %. Jean se retrouve
alors déstabilisé, et c'est à ce moment-là qu'il me contacte, en plein
doute, franchement dépité après avoir rêvé devant ses résultats théoriques
et sensiblement abattu par une épreuve qu'il n'attendait pas, qu'il
n'envisageait pas, une épreuve dont il avait conscience, mais dont il s'était
persuadé qu'il l'éviterait grâce à son travail préalable. Ingénieur, scientifique,
rigoureux et appliqué, comment pouvait-il se retrouver en train de
patiner face à la réalité du marché alors qu'il avait tout anticipé ?
Après une première conversation, je ne poursuis pas notre dialogue car je
sens qu'il n'est pas encore prêt à écouter. Parfois, la déception est une
arme de destruction massive contre l'attention réelle, quand l'ego est
touché, le raisonnement froid devient plus difficile, et une phase de
digestion est obligatoire.
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