Annales corrigées et commentées - Droit des obligations - L2 - 8e - 43

A) Les conséquences de la violation du pacte de préférence pour Thomas
Si Thomas vend ses parts sociales au mépris de son engagement vis-à-vis de
Laurent, il pourra être sanctionné si ce dernier entend mener une action en justice
contre lui.
L'article 1123, alinéa 2 du Code civil nous éclaire sur la nature de la sanction. En effet,
le texte indique que le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi .
Le rapporteur du projet de loi de ratification de l'ordonnance du 10 février 2016 a
précisé, à cet égard, que le préjudice réparable « va au-delà de ce qui est prévu
en cas de faute dans les pourparlers », le bénéficiaire pouvant « se prévaloir de
l'intérêt attendu au contrat ». En d'autres termes, les dommages-intérêts octroyés au
bénéficiaire peuvent venir compenser la perte des avantages attendus du contrat
envisagé. Ainsi le juge peut-il ordonner le versement d'une somme d'argent le replaçant
dans la situation patrimoniale qui aurait été la sienne si le contrat visé
dans le pacte avait été finalement conclu.
Thomas pourra donc être condamné à verser des dommages-intérêts à Laurent s'il
cède ses parts sociales à Bertrand sans respecter le pacte de préférence auquel
il est pourtant tenu .
Il est à noter que l'avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux prévoit,
en matière de pacte de préférence de vente, que si le promettant établit une offre
de vente, il est tenu de la notifier au bénéficiaire . L'avant-projet de réforme renforce
donc l'obligation du promettant de proposer au préalable la conclusion du
contrat de vente envisagé au bénéficiaire.
B) Les conséquences de la violation du pacte de préférence pour Bertrand
Le tiers au pacte de préférence, en l'occurrence Bertrand dans le cas pratique,
peut également être sanctionné si le promettant conclut avec lui le contrat sans
l'avoir proposé en amont au bénéficiaire.
Deux sanctions sont en effet prévues à l'article 1123, alinéa 2.
Le bénéficiaire peut demander la nullité du contrat conclu entre le promettant et
le tiers. Il s'agit d'une nullité relative que seul le bénéficiaire peut invoquer. L'annulation
du contrat emporte disparition rétroactive de celui-ci : tout est fait comme
si le contrat entre le promettant et le tiers n'avait jamais été conclu. En outre, le
promettant reste engagé par le pacte de préférence. Par conséquent, s'il décide
de conclure à nouveau le contrat, il sera tenu de le proposer prioritairement au
bénéficiaire.
Cependant, ce dernier peut préférer demander au juge de le substituer au tiers
dans le contrat que celui-ci a conclu avec le promettant . Autrement dit, le bénéficiaire
prend la place du tiers dans le rapport juridique. C'est le cas lorsque
les conditions du contrat lui conviennent. La substitution a un effet rétroactif : on
considère que, depuis le début, que le contrat a été conclu entre le promettant et
le bénéficiaire.
Ces sanctions ne peuvent être prononcées à l'encontre du tiers qu'à certaines
conditions. Le texte exige, en effet, que deux conditions cumulatives soient remplies :
le tiers doit avoir connaissance, non seulement, de l'existence du pacte de préférence,
mais également, de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir.
Bien que le texte ne le précise pas,
il est évident que le promettant
est condamné sur le fondement
de la responsabilité contractuelle.
Le pacte de préférence,
même s'il intervient en phase
précontractuelle, est en effet un
véritable contrat conclu entre le
promettant et le bénéficiaire.
En apportant cette précision,
vous montrez au correcteur que
vous avez des connaissances qui
dépassent la lettre des textes. Vous
ne vous contentez pas de citer les
dispositions applicables, vous les
complétez par des connaissances
précises sur le sujet.
Article 1586 de l'avant-projet de
réforme du droit des contrats
spéciaux.
Le bénéficiaire pourra demander
soit la nullité soit la substitution.
Ces deux sanctions ne peuvent en
effet se cumuler à l'encontre du
tiers. Car si le bénéficiaire décide
de la substitution, le contrat conclu
entre le promettant et le tiers est
maintenu aux mêmes conditions.
Cass. ch. mixte,
16 mai 2006, n° 03-19376.
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