Annales corrigées et commentées - Droit des obligations - L2 - 8e - 84

En contrepartie, le locataire s'engage au paiement des loyers commerciaux à leur
échéance.
Par conséquent, la mise en œuvre de l'exception d'inexécution par le locataire est
subordonnée à un manquement du bailleur à son obligation de délivrance. Si, en
outre, cette inexécution revêt un caractère de gravité, le locataire pourrait refuser le
paiement des loyers pendant la fermeture de son commerce.
Dans ses trois arrêts du 30 juin 2022, la Cour de cassation a jugé, à propos des
loyers commerciaux non payés pendant la crise de la Covid, que la mesure générale
et temporaire d'interdiction de recevoir du public n'est pas constitutive d'une
inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance.
Cette précision permet d'indiquer
que la solution dégagée par la
Cour de cassation est acquise. En
outre, elle démontre une parfaite
connaissance de l'étudiant des
arrêts rendus par la Cour.
Après avoir énoncé les règles de
droit, il faut les appliquer au cas
d'espèce. Une démonstration est
attendue de l'étudiant.
En guise de motivation, la Cour indique précisément que les locaux loués ont été
mis à la disposition du locataire et que l'impossibilité d'exploiter l'activité était le
seul fait du législateur. Le locataire est contraint de se soumettre à une mesure
d'ordre général affectant tous les commerces non essentiels sans qu'il ne puisse
en faire reproche à son bailleur.
La solution semble acquise, dans la mesure où la haute juridiction a confirmé
sa jurisprudence dans deux arrêts du 23 novembre 2022 (Civ. 3e
21-21.867 et n° 22-12.753).
, 22 nov. 2022, n°
En l'espèce, Madame Mado n'a pas été privée de la jouissance matérielle de son
fonds de commerce. En revanche, elle n'a pu profiter de son local conformément
à sa destination contractuelle. Toutefois, il ressort de la jurisprudence de la Cour de
cassation qu'aucun manquement à l'obligation de délivrance n'est imputable au
bailleur, lequel n'a pas à garantir le trouble de jouissance résultant d'une fermeture
des lieux loués en exécution d'une mesure prise par les autorités publiques.
Par conséquent, Madame Mado n'est pas en mesure de pouvoir suspendre le
paiement des loyers pendant la période de fermeture de son commerce.
2. La perte de la chose louée
Des connaissances en droit
commun du bail sont ici attendues.
En vertu de l'article 1722 du Code civil, si, pendant la durée du bail, le bien loué
est détruit en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; s'il n'est détruit
qu'en partie, le locataire peut, suivant les circonstances, demander une diminution
du prix ou la résiliation même du bail.
La distinction entre la perte
juridique et la perte matérielle
devait être évoquée ici.
Dans l'esprit des rédacteurs du Code civil de 1804, l'article 1722 du Code civil ne
visait que la perte matérielle de la chose louée. Toutefois, la doctrine et la jurisprudence
ont fait évoluer la notion de perte en l'interprétant différemment. En effet, la
perte peut également être juridique. C'est le cas notamment lorsqu'un événement
a rendu impossible la jouissance paisible de la chose louée pour le locataire. Si
ce dernier n'est plus en mesure de pouvoir user des locaux conformément à leur
destination, il peut alors se fonder sur l'article 1722 du Code civil pour obtenir une
réduction du montant du loyer. La jurisprudence offre plusieurs illustrations de cette
conception juridique de la perte de la chose louée. À titre d'exemple, la perte
totale du bien loué a été caractérisée en cas de fermeture d'un centre commercial
par arrêté administratif (Civ. 3e
, 30 oct. 2007, n° 07-11.939).
De nombreux locataires ont alors tenté de démontrer que l'interdiction de recevoir
du public pendant la crise sanitaire constituait une perte de la chose louée en
application de l'article 1722 du Code civil. Avant que la Cour de cassation ne
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