Annales corrigées et commentées - Droit administratif - L2 - 8e - 159

rieurs) ou une portée individuelle (comme les punitions qui peuvent être adressées
à certaines catégories d'administrés). On les rencontre surtout dans des domaines
où la discipline est particulièrement importante, notamment le domaine scolaire.
Ainsi, à l'origine, les règlements intérieurs des établissements scolaires ainsi que les
décisions prises sur leur fondement étaient qualifiés de mesures d'ordre intérieur par
le juge administratif et échappaient donc à son contrôle, comme en atteste par
exemple l'arrêt du Conseil d'État du 20 octobre 1954, Chapou. Si la jurisprudence
Kherouaa du 2 novembre 1992 (rendue dans le cadre de l'affaire des foulards
islamiques) opère un revirement en qualifiant les règlements intérieurs des établissements
scolaires de décisions faisant grief ; la catégorie des mesures d'ordre
intérieur ne disparaît pas pour autant dans le domaine scolaire. En réalité, depuis
cette date, pour apprécier le caractère d'une mesure prise à l'encontre d'un élève,
le juge administratif apprécie sa gravité et ses effets sur sa situation et le déroulement
de sa scolarité.
En l'espèce, répondre à la question du caractère des mesures prises à l'encontre
des jumeaux dans le cadre scolaire suppose de distinguer la décision prise par le
directeur de les séparer en les affectant dans deux classes différentes des punitions
dont ils ont pu faire l'objet.
S'agissant de ces dernières, leur qualification en mesures d'ordre intérieur ne fait
aucun doute : les travaux supplémentaires, le ramassage des papiers dans la
cour... n'affectent en aucune façon la situation juridique des jumeaux (à la différence
d'une décision d'exclusion pour raison disciplinaire, par exemple). Il s'agit
de mesures de détail que le juge administratif refuse de connaître (le REP à leur
encontre est irrecevable) afin de ne pas encombrer inutilement son prétoire.
S'agissant de la décision du directeur de séparer les jumeaux, la réponse est plus
délicate. Si le changement de classe d'un élève est qualifié de mesure d'ordre
intérieur (CAA Bordeaux, 21 oct. 2014, M. K.), une situation de gémellité peutelle
changer la position du juge administratif ? Dans un arrêt du 17 février 2005,
M. et Mme
José D., la Cour administrative de Versailles a considéré que la décision
d'affecter dans des classes différentes des jumeaux âgés de quatre ans, contre
la volonté de leurs parents et malgré la production d'un certificat médical émettant
un avis réservé sur l'opportunité de séparer les enfants, ne pouvait pas être regardée
comme sans conséquence sur la scolarité des enfants, et donc, ne pouvait
être qualifiée de mesure d'ordre intérieur (la décision fait grief et rend le REP
recevable). Dans cette affaire, la cour insistait sur le très jeune âge des enfants, leur
fragilité et les objectifs spécifiques des classes maternelles concernant notamment
l'éveil de la personnalité et l'apprentissage de l'autonomie des élèves. Dans notre
affaire, les jumeaux sont plus âgés, ils sont à l'école primaire, qui ne poursuit pas
les mêmes objectifs pédagogiques. Dès lors, le juge administratif pourrait très
bien considérer la décision du directeur comme une mesure d'ordre intérieur qui
n'affecte pas la scolarité des enfants. Cependant, rien n'est certain : l'appréciation du
juge en l'espèce de l'affectation ou non des conditions de scolarité des enfants sera
capitale.
Dès lors, comme l'avocat l'avait fait à l'époque, il fallait conseiller aux époux de ne
pas attaquer les punitions dont ont fait l'objet leurs enfants. Ce recours se serait
avéré inutile, car irrecevable. En revanche, un REP contre la décision du directeur de
séparer les jumeaux aurait pu être envisagé avec, néanmoins, aucune certitude
quant à la recevabilité de la requête ou l'illégalité de la décision. Très concrètement,
il y avait de grandes chances que la requête des parents n'aboutisse pas sur
ce point également. Leur ami avocat ne s'est pas trompé.
Il s'agit d'un arrêt clé qui doit
absolument être cité.
La référence à ces deux
jurisprudences est essentielle.
Il s'agit du rappel du droit.
Aucune solution ne se dégage
avec certitude. Vous pouvez en
envisager plusieurs. Il n'y en a pas
de bonnes ou de mauvaises.
Ce point est intéressant : même si
le REP est recevable, la décision
de séparer les jumeaux n'est pas
forcément illégale. Dans l'arrêt de
la CAA de Versailles de 2005, elle
avait justement été considérée
comme légale et le recours des
parents avait été rejeté au fond.
Il est important de formuler une
solution concrète en lien avec la
formulation de l'énoncé.
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