Annales corrigées et commentées - Droit administratif - L2 - 8e - 163

Néanmoins, une exception notable à cette irrecevabilité existe. En effet lorsque, malgré
sa dénomination, un acte de droit souple révèle, après analyse, un caractère
décisoire, le recours pour excès de pouvoir devient alors recevable (B).
B/ L'admission du recours pour excès de pouvoir contre un acte de droit
souple révélant in fine son caractère décisoire
Dans une volonté accrue de prendre en compte les intérêts des justiciables, le juge
administratif s'est engagé dans une subjectivisation du recours pour excès de pouvoir,
conscient de ses lacunes dénoncées par la doctrine (J. RIVERO, « Le Huron au
Palais-Royal ou réflexions naïves sur le REP ») . Il s'agit de faire un REP un instrument
efficace de protection des administrés contre l'arbitraire de l'administration.
Cette subjectivisation se traduit notamment par une ouverture plus large du prétoire
du juge de l'excès de pouvoir et une réduction du nombre d'actes insusceptibles
de REP. Concernant les actes de droit souple, le juge va aller au-delà de leur dénomination
pour apprécier leur contenu véritable et déceler in fine d'éventuels actes
décisoires.
S'agissant tout d'abord des circulaires, le juge administratif s'est rendu compte que
l'administration ne se contente pas toujours d'interpréter les règles de droit ; elle utilise
parfois les circulaires pour créer de nouvelles règles. Cette pratique, susceptible
de dérives, a donc conduit le juge de l'excès de pouvoir à exercer son contrôle.
Ainsi, dans son arrêt du 29 janvier 1954, Institution Notre-Dame du Kreisker (précité),
le Conseil d'État reconnaît l'existence des circulaires réglementaires qui créent de
nouvelles règles, modifient l'ordonnancement juridique général et sont donc susceptibles
de REP. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie dès lors leur légalité, en vérifiant
notamment que leur auteur dispose de la compétence pour les édicter soit au titre
de son pouvoir réglementaire général, soit en tant que chef de service sur le fondement
de la jurisprudence du Conseil d'État du 7 février 1936, Jamart.
Néanmoins, cette distinction circulaire interprétative/réglementaire s'est révélée
partiellement insatisfaisante car l'administration pouvait utiliser les circulaires interprétatives
pour contraindre ses subordonnés à une interprétation stricte sans pour
autant créer de nouvelles règles juridiques et donc sans constituer une circulaire
réglementaire. Dès lors, dans son arrêt du 18 décembre 2002, Mme Duvignères, la
haute juridiction administrative a opéré un revirement en consacrant, d'une part, les
circulaires non-impératives insusceptibles de recours et relevant du droit souple et,
d'autre part, les circulaires impératives, regroupant les anciennes circulaires réglementaires
et les anciennes circulaires interprétatives à caractère contraignant. Cette
nouvelle catégorisation démontre la volonté du juge administratif de se placer du
point de vue du destinataire de l'acte en s'intéressant davantage aux effets de la
circulaire qu'à l'intention de son auteur. La circulaire non impérative, véritable acte
de droit souple, continue d'être insusceptible de REP à raison de son absence de caractère
décisoire. En revanche, la circulaire impérative révèle une véritable décision
et peut faire l'objet d'un REP.
Cette distinction particulièrement pertinente s'est étendue aux autres actes interprétatifs,
tels que les recommandations de bonnes pratiques comme le montre l'arrêt du
Conseil d'État du 26 septembre 2005, Conseil national de l'ordre des médecins : des
recommandations de bonnes pratiques révélant un caractère impératif constituent
un acte décisoire susceptible de REP. Les lignes directrices ne sont, quant à elles, pas
exclues de cette subjectivisation. Le juge administratif s'attache en effet à vérifier
Dans le cadre d'une dissertation,
vous pouvez évidemment
faire référence à des positions
doctrinales afin d'appuyer votre
raisonnement. Cet article de
Jean Rivero est très célèbre ; il
fait partie de la culture juridique
administrative indispensable.
Vous ne devez pas oublier les
transitions entre chaque sous-partie
car elles permettent de dessiner le
fil conducteur de votre réflexion.
La maîtrise de l'évolution
jurisprudentielle concernant
la recevabilité du REP formé
contre une circulaire est
attendue par le correcteur.
Cette jurisprudence constitue une
vraie plus-value pour la notation.
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