Annales corrigées et commentées - Droit administratif - L2 - 8e - 219

B/ Le refus d'engager la responsabilité sans faute du fait de l'utilisation d'une
arme comportant des risques exceptionnels en cas de dommage causé à un
manifestant
Dans son considérant 4, la Cour rappelle le principe de la responsabilité sans faute
de l'État en cas d'utilisation d'armes comportant des risques exceptionnels. Ce régime
spécial de responsabilité du fait des armes dangereuses a été consacré de
longue date par le Conseil d'État, dans son arrêt du 24 juin 1949 Consorts Lecomte,
et est soumis à trois conditions. Les deux premières sont, d'une part, l'usage d'armes
ou d'engins comportant des risques exceptionnels pour les personnes et les biens
et, d'autre part, la preuve de dommages excédant les charges normalement supportées
par les particuliers. Utilisée en 1949 pour l'usage d'une mitraillette, cette
jurisprudence a été étendue rapidement à l'usage d'un pistolet (CE, 1er
Cet arrêt est obligatoirement
attendu par le correcteur.
juin 1951,
Époux Jung). Ce régime de responsabilité a ainsi été initialement consacré en cas
d'utilisation par les forces de l'ordre d'armes à feu susceptibles d'entraîner la mort.
A contrario, ce régime de responsabilité sans faute n'a pas été retenu pour les grenades
lacrymogènes (CE, 16 mars 1956, Époux Domenech) ou pour les matraques
(CE (sect.) 8 juillet 1960, Petit) .
En outre, d'autres armes ont fait l'objet de questionnements en jurisprudence -
toujours pas tranchés par le Conseil d'État à ce jour - afin de déterminer si elles
comportent des risques exceptionnels pour les personnes et les biens impliquant
dès lors l'application du régime jurisprudentiel de responsabilité sans faute.
C'est notamment le cas du Flash Ball, plus précisément du lanceur de balles
de défense (LBD), qui constitue une arme non létale régulièrement utilisée par
les forces de l'ordre en cas d'attroupements et de manifestations violentes. Ce
dernier a été reconnu comme créant un risque exceptionnel par un jugement
M. L du tribunal administratif de Nice le 28 octobre 2014 car il s'agit d'une arme
dangereuse à raison de sa puissance et de sa précision de tir. La cour administrative
d'appel de Nantes a par la suite confirmé ce raisonnement dans son arrêt
M. C du 5 juillet 2018.
Concernant le cas spécifique de la grenade offensive à l'origine de la mort de
Rémi Fraisse, il convient de souligner que ce type de grenade est incontestablement
une arme dangereuse, classée en catégorie A2 des armes prévues en
maintien de l'ordre public (article D. 211-17 du CSI). Contenant du gaz lacrymogène,
de la tolite, matière explosive, elle produit un effet de souffle, soutenu par
une forte explosion, assourdissante, et la libération de gaz lacrymogène. Lancée
à la main ou propulsée à l'aide d'un lanceur, elle est considérée, en opération de
maintien de l'ordre, comme « une arme d'ultime recours » pour la force publique
(CE, 24 juillet 2019, LDH et Association des chrétiens pour l'abolition de la torture).
Les dangers liés à son usage ont d'ailleurs été pointés du doigt à plusieurs reprises
par le Défenseur des droits, notamment lors des manifestations des « Gilets
jaunes ». C'est le tribunal administratif de Nantes qui a eu, pour la première fois,
l'occasion de se prononcer sur la question de la qualification de cette arme. Dans
un jugement du 3 juillet 2020, il a cependant refusé d'engager la responsabilité
de l'État du fait des choses dangereuses comportant des risques exceptionnels.
Dans l'arrêt à commenter, la cour administrative d'appel de Toulouse reste, quant à
elle, muette sur ce point puisqu'elle ne qualifie pas explicitement, dans son considérant
4, cette grenade comme étant une arme comportant un risque exceptionnel.
Faut-il comprendre qu'implicitement elle l'admet ? Seul un arrêt du Conseil
d'État permettrait d'éclairer ce point avec certitude mais, comme c'est le cas pour
le LBD, il ne semble pas encore avoir été saisi de cette question. Dans l'attente
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La maîtrise d'exemples
jurisprudentiels riches et variés
(c'est-à-dire à la fois validant
et invalidant la qualification
d'arme comportant un risque
exceptionnel) sera valorisée dans
la notation.
Il est important de mentionner
ces affaires car elles permettent
de mieux comprendre la solution
retenue en l'espèce.
La référence à ce jugement est
un vrai plus pour la notation. Elle
prouve votre excellente maîtrise de
la jurisprudence, y compris celle
plus récente.

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