Annales corrigées et commentées - Droit administratif - L2 - 8e - 37

2. Les perspectives d'évolution du contrôle de conventionnalité :
entre forces et faiblesses
Au-delà des nombreuses évolutions jurisprudentielles ayant permis de consolider le
contrôle de conventionnalité en faveur des administrés, une étape supplémentaire
a été franchie par la généralisation d'un contrôle in concreto en matière de référés
(A). Néanmoins, ces avancées ne laissent pas présager un avenir totalement
propice à l'exercice du contrôle de conventionnalité puisque certains obstacles
demeurent encore aujourd'hui (B).
A) L'évolution récente du contrôle de conventionnalité du juge des référés en
faveur d'une meilleure protection des droits des administrés
Si le contrôle de conventionnalité exercé par le juge de l'excès de pouvoir semble
indéniablement acquis, s'est posée la question de la possibilité pour le juge des
référés de se prononcer sur un moyen dit d'inconventionnalité de la loi. Concernant
le référé-suspension, la jurisprudence Carminati a interdit au juge des référés
administratifs d'examiner la compatibilité d'une loi avec un traité international (CE
(ord.), 30 déc. 2002, ministre de l'Aménagement du territoire et de l'environnement
c/ Carminati). En d'autres termes, cette jurisprudence de principe a empêché de
fonder une décision de suspension d'un acte administratif sur un moyen tiré de
l'inconventionnalité de la loi. La jurisprudence Carminati a ensuite été étendue
de manière explicite au champ du référé-liberté (CE (ord.), 9 déc. 2005, Mme Allouache
et autres).
La portée de cette interdiction doit néanmoins être nuancée pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, elle concerne uniquement le moyen tiré de la contrariété d'une
loi avec un engagement international, c'est-à-dire le contrôle de conventionnalité
indirect. Elle n'interdit pas le contrôle des actes administratifs au regard des engagements
internationaux comme le confirme l'ordonnance du Conseil d'État du
27 août 2012 Groupe d'information et de soutien des immigrés (GISTI) et autres.
Le contrôle direct de conventionnalité de l'acte administratif reste donc possible
en référé. Ensuite, la jurisprudence Carminati est écartée lorsqu'est alléguée une
incompatibilité de la loi avec le droit de l'Union européenne (CE, 16 juin 2010, Mme
Diakité).
Au-delà de ces exceptions, plusieurs critiques ont pu être émises à l'encontre de
l'interdiction consacrée par la jurisprudence Carminati. La principale critique s'est
appuyée sur le fait que cette interdiction faite au juge des référés de faire primer
un traité sur la loi a conduit à l'amputer, eu égard à son office, d'une compétence
dont tous les autres juges disposent. De plus, il a semblé paradoxal qu'à partir de
la décision Nicolo, le juge administratif ait tiré toute une série de conséquences de
la supériorité des traités dans l'ordre juridique interne sauf pour le juge des référés.
Dès lors que l'administration a l'obligation de ne pas appliquer une loi inconventionnelle,
comment justifier que le juge des référés ne puisse pas le faire ?
Face à ces critiques, un revirement a été opéré par le Conseil d'État le 31 mai
2016 dans l'affaire Mme Gonzalez-Gomez. Le juge des référés accepte ici de faire
une sorte d'exception à son refus de contrôler la conventionnalité de la loi si les
conséquences de son application au cas de l'espèce sont si excessives et singulières
que la convention s'en trouve méconnue. Ce pouvoir d'écarter la loi au
regard des circonstances de l'espèce est donc de nature différente du contrôle de
conventionnalité in abstracto initié depuis Nicolo car il est ici exercé in concreto. En
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