Annales corrigées et commentées - Droit administratif - L2 - 8e - 52

Les conséquences sur les droits
et libertés de ces régimes sont
incontournables. Il va falloir, là
encore, comparer les effets de ces
régimes sur les droits et libertés.
En vertu des pouvoirs exceptionnels qui leur sont conférés par les régimes d'état
d'urgence, les autorités administratives peuvent prendre des mesures de police
particulièrement attentatoires aux droits et libertés . Ainsi, les deux régimes sont susceptibles
d'affecter très fortement la liberté d'aller et venir. En effet, l'état d'urgence
sanitaire prévoit la possibilité de prendre des mesures de mise à l'isolement, de
quarantaine, de confinement tandis que la mesure emblématique de l'état d'urgence
est l'assignation à résidence. De plus, les deux régimes permettent de réglementer
voire d'interdire la circulation des personnes et véhicules (couvre-feu par
exemple). D'autres libertés fondamentales sont susceptibles d'être restreintes dans
le cadre de la mise en œuvre des régimes d'état d'urgence telles que la liberté du
commerce et de l'industrie (les deux régimes prévoient la possibilité d'ordonner la
fermeture provisoire ou de réglementer l'ouverture de commerces), la liberté de
réunion et d'association (les états d'urgence permettent d'empêcher les rassemblements
sur la voie publique et les réunions), la liberté de culte (fermeture ou
réglementation de l'accès aux lieux de culte)...
Cependant, même si des restrictions similaires aux droits et libertés peuvent être
adoptées dans le cadre des deux régimes d'état d'urgence, elles ne poursuivent
pas les mêmes finalités et peuvent donc prendre des formes différentes. En effet, la
loi de 1955 est adaptée à une menace sécuritaire et la loi de 2020 à une menace
sanitaire. Les restrictions qui peuvent être portées aux droits et libertés sont fondées
sur les troubles à l'ordre public (plus particulièrement aux risques pour la sécurité
publique) dans le cadre de l'état d'urgence et sur les risques pour la santé
publique en matière d'état d'urgence sanitaire. Par exemple, la possibilité de fermeture
des lieux de culte, des salles de spectacles et débits de boissons n'est pas
justifiée de la même manière dans les lois de 1955 et de 2020. Pour l'état d'urgence,
les lieux pouvant faire l'objet d'une fermeture sont ceux « au sein desquels sont
tenus des propos constituant une provocation à la haine ou à la violence ou une
provocation à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels
actes ». En revanche, dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, une telle fermeture
ne peut être décidée qu'« aux seules fins de garantir la santé publique » (cet
objectif est seul en mesure de justifier toute mesure prise en application de l'état
d'urgence sanitaire). En raison de la différence de nature du péril combattu, des
procédés différents peuvent être mis en œuvre. Par exemple, en matière de réglementation
de la circulation et de l'accès à certains lieux, l'obligation du port du
masque de protection n'a de sens que dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.
Enfin, chacun des deux régimes prévoit des mesures spécifiques en adéquation
avec sa finalité. Ainsi, l'état d'urgence accorde aux autorités la possibilité d'ordonner
des perquisitions « en tout lieu (...) lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser
que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue
une menace pour la sécurité et l'ordre publics » et de prononcer la dissolution
d'associations « qui participent à la commission d'actes portant une atteinte grave
à l'ordre public ou dont les activités facilitent cette commission ou y incitent pour
l'état d'urgence ». L'état d'urgence sanitaire consacre, par exemple, la possibilité
de recourir à des réquisitions envers les personnes et les biens nécessaires à la lutte
contre la catastrophe sanitaire.
La transition entre les deux grandes
parties est essentielle.
L'état d'urgence et l'état d'urgence sanitaires sont deux régimes très proches qui,
malgré quelques différences notables, font clairement partie de la même famille de
régimes exceptionnels (il s'agit de deux régimes législatifs construits sur le même
modèle). Au-delà, il existe un véritable lien de filiation entre ces deux régimes, l'expérience
de l'état d'urgence ayant véritablement inspiré la construction de l'état
d'urgence sanitaire (2).
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