Annales corrigées et commentées - Droit administratif - L2 - 8e - 81

usagers au service public, il est possible d'adapter les règles de fonctionnement
du service pour permettre au plus grand nombre d'y accéder, l'adaptation ne doit
pas servir qu'à une seule catégorie d'usagers au risque de méconnaître le principe
d'égalité devant le service public.
Cette solution traduit une position du juge administratif en matière de neutralité
du service public plus stricte qu'au préalable et illustre la difficulté d'articulation
entre l'affirmation du principe de neutralité et son application concrète. En effet,
le Conseil d'État affirme simultanément que le gestionnaire d'un service public
peut prendre en compte les convictions religieuses des usagers dans l'élaboration
des règles de fonctionnement et d'organisation du service mais, en parallèle, il
considère qu'en l'espèce c'est parce que la ville de Grenoble prend en compte
une spécificité religieuse tenant à une seule catégorie de personnes que la décision
litigieuse doit être regardée comme portant atteinte au principe de neutralité
des services publics. Une telle position pose, en outre, une difficulté d'appréciation
étant donné que le juge administratif ne vient pas définir les critères ou le faisceau
d'indices qui permettraient de distinguer les dérogations qui peuvent être admises
de celles qui seraient contraires au principe de neutralité et d'égalité.
Quoi qu'il en soit, l'affaire du burkini dans la ville de Grenoble a fait ressortir la question
sociétale des possibles interdictions ou autorisations du port du burkini sur le
fondement des convictions religieuses (B).
B) À la piscine ou à la plage : la question sociétale du burkini relancée par
la solution du Conseil d'État
La question du port du burkini n'est pas nouvelle pour le juge administratif. En effet,
si, en l'espèce, le port du burkini est interdit par le juge administratif aux motifs que
son autorisation porterait atteinte au bon fonctionnement du service public et à
l'égalité de traitement des usagers dans des conditions portant atteinte au principe
de neutralité des services publics, il avait précédemment annulé une décision
interdisant le port du burkini sur les plages au fondement qu'aucune atteinte à
l'ordre public ne pouvait être caractérisée. Il s'agissait de la décision rendue par
le Conseil d'État le 16 août 2016, Ligue des droits de l'homme. Dans cette affaire le
maire de la commune de Villeneuve-Loubet avait interdit, dans le contexte post-attentat
de Nice, sur le fondement d'une atteinte à l'ordre public, le port du burkini
sur les plages de sa commune. Le juge administratif, tout en annulant l'interdiction
pour absence de troubles réels à l'ordre public, avait alors précisé qu'une mesure
d'interdiction sur les plages d'une commune d'une tenue vestimentaire manifestant
de façon ostentatoire une appartenance religieuse, n'était légale que si elle
était proportionnée et nécessaire au maintien de l'ordre public local. Autrement
dit, les arrêtés « anti-burkini » ne pouvaient être considérés comme légaux que s'ils
avaient pour objet de prévenir des troubles à l'ordre public au regard de circonstances
locales particulières. En conséquence, et conformément à la position traditionnelle
du juge administratif, aucune interdiction générale et absolue ne pouvait
être mise en place (CE, 19 mai 1933, Benjamin). Ainsi si, pour la ville Villeneuve-Loubet,
l'interdiction du port du burkini a été annulée par le juge administratif, il existe
des hypothèses où cette interdiction a été jugée légale par le juge administratif.
En ce sens, la cour administrative d'appel de Marseille dans un arrêt en date du
3 juillet 2017 a reconnu que la décision du maire d'une commune en Corse d'interdire
le port du burkini était suffisamment nécessaire et proportionnée au regard
des circonstances locales particulières. En effet, suite à la présence d'une femme
en burkini sur les plages de la ville, des altercations avaient eu lieu, entraînant l'hosIl
s'agit ici de commenter la
solution du Conseil d'État en
développant une approche
critique.
La transition est essentielle. Elle
permet ici de faire le lien entre votre
analyse de la solution du juge
administratif et l'ouverture que vous
souhaitez apporter dans votre 2. B).
Vous allez apprécier la portée
de l'ordonnance commentée
pour le droit administratif
en la rapprochant d'autres
jurisprudences antérieures ou
ultérieures.
Cette jurisprudence est
fondamentale pour l'analyse de
l'arrêt.
Vous pouvez montrer votre
connaissance de l'actualité en
précisant que le Conseil d'État a
récemment confirmé sa position,
dans un nouveau contentieux
concernant la commune de
Villeneuve-Loubet, en suspendant
l'interdiction d'accès aux plages
aux personnes portant une tenue
manifestant ostensiblement une
appartenance religieuse en
l'absence de risques actuels et
avérés pour l'ordre public (CE
(ord.) 17 juil. 2023, Ligue des Droits
de l'Homme).
L'apport de connaissances issues
de votre cours est fondamental
pour expliquer avec précision la
décision.
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