Annales corrigées et commentées - Droit constitutionnel - L1 - 8e - 74

La Constitution américaine a le mérite de la clarté. Les trois premiers articles sont
respectivement consacrés aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Le pouvoir
judiciaire, présenté en dernier parmi les trois branches du Gouvernement fédéral
constitue inévitablement un pilier de la démocratie américaine moderne. La
concurrence qu'impose le concept de gouvernement des juges aux autres qualificatifs
du régime américain à savoir un régime présidentiel ou encore un régime
« congressionnel » traduit cette place importante du pouvoir judiciaire.
L'idée de faire référence à la thèse
de Montesquieu dans un devoir qui
porte sur la séparation des pouvoirs
est toujours appréciable.
Le lien aurait pu rapidement être
fait avec le régime parlementaire
afin de distinguer ces deux
modèles de régimes politiques.
Alors que la doctrine traditionnelle de la séparation des pouvoirs posait une conception
rigide de cette théorie fondée sur les règles de spécialisation et d'indépendance,
Montesquieu quant à lui estimait que la séparation des pouvoirs n'impliquait pas
nécessairement un isolement des pouvoirs auquel cas, cela conduirait à des conflits
inévitables et à une paralysie de l'État. Il faudrait plutôt que « par la disposition des
choses, le pouvoir arrête le pouvoir » et qu'ils soient donc « forcés d'aller de concert ».
Cette approche souple de la séparation des pouvoirs chez Montesquieu implique
une collaboration des trois pouvoirs fondés sur une égalité mutuelle permettant de
garantir l'indépendance des pouvoirs les uns à l'égard des autres. Nonobstant ce
constat, il apparait évident sous la plume de Montesquieu que cette égalité n'est
pas parfaite dans la mesure où le pouvoir législatif qui bénéficie d'une légitimité
populaire est supérieur aux deux autres et surtout au pouvoir judiciaire. Montesquieu
présentait d'ailleurs les juges comme n'étant que la « bouche de la loi ».
Ne connaissant pas la citation
exacte de l'auteur, il est plus
judicieux d'y faire référence sans
utiliser des guillemets.
Le régime américain a été bâti sur cette approche particulière de la séparation des
pouvoirs telle que perçue par Montesquieu. Même s'il est souvent qualifié de régime
présidentiel caractérisé par une séparation stricte des pouvoirs en raison de l'absence
de responsabilité du Gouvernement vis-à-vis du Congrès ainsi que de la spécialisation
des organes comme le démontrent les trois premiers articles de la Constitution,
il n'en demeure pas moins qu'à la lecture profonde de la Constitution ainsi
que dans la pratique, le régime américain accepte de nombreux empiètements des
pouvoirs les uns à l'égard des autres. Ainsi, comme l'affirmait Montesquieu, l'analyse
attentive des différentes branches du Gouvernement fédéral permet de constater
que le pouvoir judiciaire demeure le plus faible des trois. Alexander Hamilton soutenait
à ce propos qu'alors que l'Exécutif détient l'épée, le Législatif la bourse, le Judiciaire
ne fait que prescrire les règles. Il n'a ni la force, ni la richesse de la société. Face
à un tel dénuement, la faiblesse naturelle du pouvoir judiciaire conduit logiquement
à s'interroger sur la survie de ce pouvoir ou la garantie de son existence. La Constitution
américaine garantit-elle une indépendance absolue du pouvoir judiciaire ?
« Sujet » joue ici le rôle d'adjectif
qualificatif. Il doit donc être
accordé. La bonne formulation
serait « sujette à ».
Une telle interrogation conduit à réfléchir sur la garantie du pouvoir judiciaire aux
États-Unis qu'il s'agisse aussi bien de juridictions fédérales que des juridictions fédérées.
L'analyse qui suivra permettra de démontrer le contraste saisissant qui existe
entre l'indépendance fonctionnelle du pouvoir judiciaire qui est aisément protégée
(1) et l'indépendance institutionnelle qui, quant à elle, s'avère moins évidente
et donc plus sujet à réflexion (2).
1* Une indépendance fonctionnelle aisément garantie
L'indépendance fonctionnelle des juges américains est clairement garantie par
la Constitution fédérale (A) tout en mettant l'accent en particulier sur la durée du
mandat des juges de la Cour suprême (B).
A) Une indépendance constitutionnellement garantie
L'article III section 1 de la Constitution américaine dispose que « le pouvoir judiciaire
des États-Unis sera confié à une Cour suprême et à telles cours inférieures ».
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