Mémentos - Introduction historique au droit - 12e - 117

CHAPITRE 5 - Les sources plurielles d'un droit national
117
capétiens ; toutefois, ces textes n'entrent véritablement en application, en dehors de
l'étroit domaine royal que dans la mesure où ils obtiennent l'accord des grands ; leur
conseil préalable puis leur intermédiaire apparaissent toujours indispensables, dans le
cadre d'une société dominée par le cadre de vie de la seigneurie. Cette condition obligatoire
de la concertation et du consentement des vassaux est concrétisée par l'énumération
dans le texte même de l'ordonnance royale du nom et de la qualité des seigneurs
banaux qui l'ont signée, mention indispensable à l'application de la norme dans leur
ressort.
Cette pratique recule cependant durant le règne de Saint-Louis : désormais, une
mesure de portée générale est applicable dans tout le royaume dès que les grands
princes territoriaux en sont d'accord, même en cas de discordance minoritaire. Au
retour de Louis IX de la croisade en 1254, les ordonnances se multiplient, souvent en
réponse à des requêtes. Baillis et sénéchaux les réceptionnent, à charge pour eux de
diffuser les ordonnances et de s'assurer de leur bonne application ; les barons, les
abbés et évêques, les municipalités urbaines et jurandes professionnelles sont également
sollicités pour servir de courroie de transmission.
C'est le cas, dans le domaine de la police du royaume, des ordonnances sur les Juifs et
les Croisés, la motivation étant de limiter le recours à l'usure, ou encore pour l'interdiction
des jeux de hasard. Plus profondément, les références à la conception mystique
du pouvoir royal justifient le déploiement de ces interventions publiques, destinées à
éviter aux sujets du roi de pécher, que ce soit en participant aux guerres privées ou au
duel judiciaire. Mais les résistances et l'inertie l'emportent souvent sur le désir de
réforme, en l'absence d'agents administratifs efficients.
2) L'affirmation doctrinale du prince législateur
Un nouveau pas décisif est franchi sous le règne de Philippe le Bel qui, non content
d'instaurer l'usage d'une consultation des seuls vassaux et légistes de son conseil, considère
en outre cet avis comme uniquement consultatif, sans que sa décision finale
et souveraine y soit liée. En effet, c'est véritablement à la fin du XIII
e siècle que la doctrine
vient appuyer l'inflation de l'activité législative royale. Les juristes, à l'instar du bailli
Philippe de Beaumanoir, commencent à considérer comme légitime, particulièrement
en temps de guerre, une décision que le roi entend imposer en son conseil, à la condition
qu'elle soit justifiée par le bien commun, conforme à la loi de Dieu, établie pour une
« raisonnable cause » et dans le respect des lois naturelles. Or, ce tournant idéologique
particulièrement favorable à la consécration de la souveraineté législative du roi
de France correspond à la montée en puissance des légistes au sein de la Curia regis.
Ces conseillers juridiques du roi soutiennent la thèse d'une définition élargie d'un droit
public qui englobe désormais les fonctions judiciaires et administratives.
En conséquence, la police du royaume et l'organisation de la procédure civile et pénale
constituent le cœur de l'activité législative royale. En outre, les légistes trouvent la
parade au risque d'une récupération par l'empereur de l'image, puisée dans l'héritage
du droit romain, d'un Prince intervenant pour le bien de ses sujets : ils affirment que
« le roi de France est empereur en son royaume ». Cette souveraineté est tout aussi
bien à usage interne : la réunion des premiers États généraux en 1302 aide Philippe le
Bel à se détacher de l'emprise des barons. Il s'appuie sur les doléances, les vœux et pétitions
des représentants bourgeois du Tiers État pour contenir les privilégiés et soutenir
Mémentos - Introduction historique au droit - 12e

Table des matières de la publication Mémentos - Introduction historique au droit - 12e
