Mémentos - Introduction historique au droit - 12e - 179

CHAPITRE 8 - Codification et mutations du droit contemporain
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Pour le reste, le souci pragmatique de Louis XVIII de réconcilier les deux France, ou du
moins de rendre leur coexistence possible, se traduit dans la Charte octroyée aux Français
par la garantie des libertés individuelles et publiques, en particulier du droit de
propriété, y compris des biens nationaux. Le réalisme de ce compromis est démontré
par l'absurde quand Charles X tente de dédommager les victimes de la Révolution par
la loi dite du « milliard des émigrés » ou quand il rétablit le droit d'aînesse ; l'échec de
ce revanchisme ultra ne fait que renforcer le Code, conforté par la Charte révisée par le
« roi bourgeois » Louis-Philippe en 1830.
Ainsi, dans le premier tiers du XIX
e siècle, le Code Napoléon est considéré comme le chefd'œuvre
immuable et indépassable de l'esprit français. Les facultés de droit doivent se
contenter de le commenter, comme les glossateurs lisaient et éclairaient de leurs
commentaires les écrits justiniens.
En outre, cet enseignement répond mal aux besoins de l'économie, du fait de l'insuffisance
des cours consacrés au Code de commerce, et même à la formation des praticiens
du droit, faute d'un enseignement conséquent des procédures civile et criminelle.
De même, les réticences politiques retardent sous la Restauration, puis suspendent sous
le Second Empire les cours de droit constitutionnel, au détriment de la formation intellectuelle
des hauts fonctionnaires, véritablement prise en compte au début de la
IIIe
République avec la fondation par Boutmy de l'École libre des sciences politiques,
dans un climat de prise de conscience du retard universitaire français face au vainqueur
allemand de 1870.
Toutefois, à partir de 1830, l'atmosphère de libéralisation politique de la Monarchie
de Juillet offre un climat favorable au développement de la jurisprudence civile et de
la doctrine, qui s'émancipent d'un strict commentaire linéaire des articles du Code.
Une école de l'Exégèse critique se développe en recherchant, à la suite de Demolombe,
professeur à la faculté de Caen, l'esprit de la loi, l'intention du législateur par
l'étude des travaux préparatoires et par la confrontation de plusieurs articles du Code.
C'est le cas en particulier de l'école civiliste de la faculté de Strasbourg, marquée par
la proximité culturelle avec la civilisation de langue allemande et par l'influence de
Savigny. Les professeurs Aubry et Rau, bilingues et traducteurs des grands traités
de la science juridique allemande, y préconisent un commentaire composé et thématique
du Code qui se substitue à la soporifique lecture suivie, moquée par Flaubert
dans L'éducation sentimentale.
Toutefois, la vigueur des tensions nationalistes pèse sur les échanges doctrinaux, la
dénonciation du militarisme prussien répondant au rejet de la codification napoléonienne
et aboutissant à caricaturer l'affrontement des deux systèmes juridiques : le
« droit de la force » du Reich allemand s'opposant à la « force du droit » de l'idéal juridique
démocratique de la République française2
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2. Thibierge (C.), La force normative. Naissance d'un concept, 2009, LGDJ-Lextenso.
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