Mémentos - Droit des libertés fondamentales - 6e - 115

CHAPITRE 6 - Le droit à la vie
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S'agissant des droits nationaux, un consensus ne peut en outre être dégagé. Des États
catholiques comme la Pologne encadrent très strictement l'avortement, mais dans la
majorité des États, l'avortement est possible sous des conditions de délai ou thérapeutiques
(santé de la mère ou handicap de l'enfant).
La Cour européenne des droits de l'Homme estime donc « qu'il n'est ni souhaitable ni
même possible actuellement de répondre dans l'abstrait à la question de savoir si
l'enfant à naître est une " personne " au sens de l'article 2 de la Convention »22
.La
Cour juge en effet qu'il n'existe pas de dénominateur commun quant au point de
départ de la vie et à l'appartenance du fœtus à l'espèce humaine. La Convention européenne
n'étant pas précise sur ce point, la Cour estime que cette question relève de la
marge d'appréciation des États.
139. Néanmoins, la Cour a pu envisager le droit à l'avortement sous un angle différent,
par rapport au droit au respect de la vie privée de l'article 8, et condamner les
États qui ne concrétisent pas ce droit de façon suffisamment claire. Dans l'affaire A.
B. et C. c/ Irlande par exemple23
, la Grande Chambre de la Cour européenne juge que
les dispositions de la Constitution irlandaise ne sont pas suffisamment claires et, dans
le cas d'une femme atteinte d'un cancer qui n'a pas pu bénéficier d'un avortement,
l'imprécision des dispositions applicables méconnaît l'article 8 : « le seul motif pour
lequel une femme peut avorter sans enfreindre la loi en Irlande est libellé en des
termes généraux : l'article 40.3.3 [de la Constitution], tel qu'interprété par la Cour
suprême dans l'affaire X, prévoit qu'il est possible de subir un avortement en Irlande
s'il est établi selon le critère de probabilité qu'il existe un risque réel et sérieux pour la
vie (et pas seulement pour la santé) de la mère, y compris s'il s'agit d'un risque de
suicide, qui ne peut être évité que par l'interruption de la grossesse. S'il n'est pas inhabituel
qu'une disposition constitutionnelle revête un caractère aussi général, il
demeure que le droit irlandais n'a jamais par la suite ni par la voie législative, ni au
travers de la jurisprudence, ni autrement, défini des critères ou procédures qui auraient
permis de mesurer ou d'établir ce risque ; il a ainsi laissé planer de l'incertitude sur la
façon précise dont l'article 40.3.3 de la Constitution devait s'appliquer ». De même
dans l'affaire P. et S. c/ Pologne du 30 octobre 2012, la Cour a conclu à la violation
de l'article 8 en raison des difficultés rencontrées par une adolescente, enceinte à la
suite d'un viol, pour bénéficier d'un avortement, eu égard en particulier à l'absence
de cadre législatif clair, aux tergiversations du personnel médical et au harcèlement
subi par l'intéressée. Elle a estimé que la requérante avait reçu des informations trompeuses
et contradictoires et n'avait bénéficié d'aucun conseil médical objectif, et a
observé que le fait que la question de l'accès à l'avortement fasse l'objet en Pologne
d'intenses débats ne dispensait pas le personnel médical de respecter ses obligations
professionnelles concernant le secret médical.
--
22. CEDH, 8 juill. 2004, Vo c/ France : en l'espèce, une erreur médicale entraîne le décès du fœtus de la
requérante. Le droit français empêchant de condamner le médecin pour homicide involontaire, la
question qui se posait était donc celle de la reconnaissance à l'embryon de la qualité de « personne »
au sens de l'article 2 de la Convention.
23. CEDH, 16 déc. 2010.
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