Mémentos - Droit du contentieux administratif - 5e - 21

CHAPITRE 1 - La naissance du juge administratif
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pouvoir ». Le Tribunal des conflits était à nouveau institué, afin de garantir l'harmonieuse
répartition des compétences entre les ordres juridictionnels.
16. Certes, en pratique la réforme semblait de peu d'importance. Depuis l'Empire
s'était enraciné l'usage, pour le pouvoir exécutif, de s'approprier purement et simplement
les avis émis par le Conseil d'État au contentieux. Les litiges administratifs
étaient tranchés par une décision de l'exécutif, mais le sens de cette décision était
fixé par le Conseil. Il n'en reste pas moins que, sur le plan des principes, le pas était
immense. Par cette réforme il existait, distinct de l'administration, un véritable juge
chargé de la contrôler et, au besoin, de la censurer. Ses décisions n'étaient plus de
simples avis, mais d'authentiques décisions de justice rendues « au nom du peuple
français ».
17. Le développement complet de la justice administrative allait toutefois réclamer de
nouvelles avancées. Elles furent de deux ordres. Le Conseil d'État allait tout d'abord
affirmer sa mission de juge du contentieux de l'administration dans sa plénitude.
Ensuite, les instances secondaires de jugement de ce contentieux qu'étaient les
conseils de préfecture allaient devoir s'affranchir à leur tour de la tutelle administrative.
18. L'affirmation de la prérogative juridictionnelle du Conseil d'État fut rapide. Deux
décisions en marquèrent les progrès. La première fut bien entendu l'arrêt Blanco du
Tribunal des conflits du 2 février 1873. On connaît les faits aussi bien que l'importance
de cette décision. Le Tribunal des conflits avait eu à connaître du conflit de compétence
né à l'occasion d'un litige de responsabilité. Une fillette, Agnès Blanco, avait
été blessée par un wagonnet poussé par des agents publics de la régie des tabacs.
Son père avait saisi la juridiction civile d'une action en responsabilité dirigée contre
l'État. Ce dernier avait contesté la compétence judiciaire et élevé le conflit devant le
Tribunal des conflits. La thèse de la compétence judiciaire s'autorisait des termes très
généraux de l'article 1382 du Code civil dans sa rédaction d'alors, et sur lequel était
fondée l'action en réparation. Le Code civil instituait en effet un principe de responsabilité
applicable en présence de « tout fait quelconque de l'homme » dont était résulté
un dommage. Cette rédaction, aussi générale que possible, était susceptible de fonder
l'application de ces dispositions aux agents de l'État et la compétence du juge judiciaire.
Le Tribunal des conflits allait refuser l'un et l'autre. Il énonçait par sa décision
que l'action en responsabilité dirigée contre la puissance publique relevait nécessairement
de la compétence du juge administratif, d'une part, et qu'il appartenait à ce
dernier, d'autre part, d'écarter l'application des règles du droit commun pour juger
l'administration afin d'y substituer des règles tenant le juste équilibre entre les
« droits des particuliers » et les « nécessités du service » confié à l'administration.
C'était à la fois l'affirmation d'une compétence exclusive du juge administratif et l'invitation
faite à ce juge de dégager un corps de règles adaptées à l'action administrative.
L'invitation expresse a été entendue par le Conseil d'État. Les décennies suivantes lui
ont donné l'occasion, par son activité contentieuse, de poser les principes fondamentaux
de la matière du droit administratif. Mais cette œuvre nécessitait, pour être
accomplie de façon complète, l'affirmation d'une plénitude de compétence. Ce
n'était pas le cas au moment de l'arrêt Blanco. Le Conseil d'État n'était en effet
reconnu compétent pour connaître d'un recours en annulation contre une décision
administrative qu'à la condition qu'un texte le prévoie expressément - à défaut de
texte, seul pouvait être intenté un recours gracieux auprès de l'administration elle

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