Mémentos - Droit public des biens - 18e - 47

CHAPITRE 3 - La distinction entre le domaine public et le domaine privé
47
1) La mise en place de régimes « domaniaux» spéciaux
On peut relever ces dernières années une tendance au développement de régimes juridiques
« sur mesure » ou spéciaux, c'est-à-dire des régimes plus ou moins dérogatoires
au droit commun et institués pour telle ou telle catégorie de biens jusqu'alors traditionnellement
rattachés au domaine public. C'est ainsi que les biens de France Télécom ne
relèvent plus du domaine public depuis le changement de statut de l'opérateur, qui,
d'établissement public à caractère industriel et commercial, est devenu une société
commerciale, personne morale de droit privé. Mais ses biens n'en demeurent pas
moins soumis à un régime exorbitant du droit commun, destiné à protéger leur affectation
maintenue au service public (L. no
96-660, 26 juill. 1996 : droit d'opposition
).
reconnu à l'État en matière de cession des biens, protection pénale particulière mise en
place pour les ouvrages de télécommunications1
La loi nº 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports a également décidé le déclassement
sans désaffectation de la plupart des biens d'Aéroports de Paris, concomitamment
à sa transformation en société anonyme. L'article 2 de la loi n'exclut en effet que
les biens nécessaires à l'exercice par l'État ou ses établissements publics de leurs missions
de service public concourant à l'activité aéroportuaire. La liste de ces derniers biens, qui
comprend notamment les terrains d'emprise des tours de contrôle et des équipements
de navigation aérienne, a été déterminée par un décret du 8 décembre 2005. Quant aux
biens déclassés, la protection de leur affectation est organisée par l'article L. 251-3 du
Code de l'aviation civile, issu de la loi de 2005 (droit d'opposition de l'État pour certaines
opérations, insaisissabilité des biens, interdiction des baux commerciaux pour
l'essentiel).
Quant à La Poste, les biens relevant de son domaine public ont été l'objet d'un déclassement
législatif (L. nº 2001-1168, 11 déc. 2001, dite loi MURCEF, art. 22). Le législateur
précise que ces biens peuvent donc être gérés et aliénés dans les conditions du droit
commun. Mais là encore, un droit d'opposition est reconnu à l'État. La Poste a été transformée
en société commerciale par la loi no
2010-123 du 9 février 2010, qui a organisé
notamment le transfert des biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations
de l'ancienne entité à la nouvelle.
Le cas des immeubles à usage de bureaux
Il faut placer à part le cas des immeubles de l'État (et de ses établissements publics) à usage
de bureaux. En effet, l'ordonnance nº 2004-825 du 19 août 2004 n'a pas procédé au
déclassement de ces biens, elle s'est contentée d'affirmer leur appartenance au domaine
privé. L'idée est d'assurer la sécurité juridique des opérations d'aliénation sans désaffectation
de ces biens, repris à bail par l'État ou l'établissement public national une fois cédés
(opérations dites de lease-back). Car la jurisprudence semblait ranger jusqu'ici les immeubles
des collectivités publiques à usage de bureaux dans le domaine public (voir par
exemple CE, sect., 11 févr. 1994, Compagnie d'assurances La Préservatrice foncière). Un
texte de valeur législative s'avérait alors nécessaire pour tourner la difficulté juridique
--
1. Le droit d'opposition de l'État a toutefois été discrètement supprimé en 2003 - article 2-IX de la loi du
31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des télécommunications et à France
Télécom - ; cette suppression peut s'expliquer par le projet de privatisation de l'entreprise, privatisation
rendue effective en septembre 2004.
Mémentos - Droit public des biens - 18e

Table des matières de la publication Mémentos - Droit public des biens - 18e
