Mémentos - Droit public des biens - 18e - 57

CHAPITRE 4 - La composition du domaine public
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Toutefois, une place à part était réservée aux biens qui, après avoir fait partie du domaine
public de l'État ou d'une autre collectivité territoriale, se trouvaient transférés dans le
patrimoine d'un établissement public (CE, ass., avis, 29 nov. 1963). Autrement dit, si les
établissements publics ne pouvaient être propriétaires d'un domaine public « originaire »
ou « initial », ils pouvaient l'être d'un domaine public « dérivé » ou « second ». Mais se
trouvaient de ce fait assujettis à des régimes différents des biens qui répondaient à une
destination identique, ce qui n'était bien sûr guère satisfaisant.
Si bien que le juge administratif a finalement admis la possibilité pour un établissement
public, au même titre que pour les autres personnes publiques, de posséder un domaine
public propre. Il l'a fait en deux étapes : tout d'abord, dans un avis du Conseil d'État du
28 avril 1977 (EDCE 1977-1978, p. 244), puis c'est le tribunal administratif de Paris qui a
adopté cette solution (TA Paris, 18 sept. 1979, Établissement public d'aménagement de
la région de la Défense), solution confirmée en appel par le Conseil d'État en 1984 (CE,
21 mars 1984, Mansuy).
Par conséquent, cette distinction artificielle selon les catégories de personnes publiques
propriétaires est aujourd'hui clairement abandonnée, et ce, quel que soit le caractère,
administratif ou industriel et commercial, de l'établissement public. Le Conseil d'État a
d'ailleurs solennellement rappelé ce principe en 1998 : sauf disposition législative
contraire, les biens appartenant à un établissement public, qu'il soit administratif ou
industriel et commercial, lorsqu'ils sont affectés au service public dont cet établissement a
la charge et sont spécialement aménagés à cet effet, font partie de son domaine public
(CE, ass., 23 oct. 1998, EDF).
Toutefois, la question de l'opportunité de conférer un domaine public aux établissements
publics à caractère industriel et commercial resurgit à intervalles réguliers. L'une des
solutions proposées consiste à étendre à tous les établissements publics industriels et
commerciaux le dispositif que le législateur a mis en place pour les biens de La Poste,
avant sa transformation en société commerciale (v. Chapitre 3), afin d'introduire une plus
grande souplesse de gestion. Une telle solution aboutirait à réduire encore le champ
d'application de la domanialité publique, tout en portant sans doute le coup de grâce à la
distinction traditionnelle entre le domaine public et le domaine privé.
Il faut rappeler pour terminer sur ce point que s'agissant des personnes publiques autres
que l'État, les collectivités territoriales et leurs groupements ainsi que les établissements
publics, la possibilité pour elles de disposer d'un domaine public est régie par les dispositions
qui leur sont propres (CGPPP, art. L. 2). Certes, l'ordonnance du 21 avril 2006
(art. 3) a complété les dispositions applicables à la Banque de France, à l'Autorité de
contrôle des assurances et des mutuelles, à l'Autorité des marchés financiers et à la
Haute autorité de santé en décidant que leurs biens sont soumis aux dispositions du
Code général de la propriété des personnes publiques applicables aux établissements
publics de l'État ; mais la question se pose des conséquences à tirer d'un silence des
textes spécifiques aux autres personnes publiques sui generis, telles que les groupements
d'intérêt public. Il semblerait que ces personnes publiques ne puissent alors
disposer d'un domaine public, quels que soient l'affectation et l'aménagement de leurs
biens, mais la question fait débat (en ce sens, E. Fatôme, AJDA 2006, p. 1088 ; voir aussi
H. de Gaudemar, JCPA 2006, nº1159 ; J.-P. Brouant in Mélanges en l'honneur
d'Étienne Fatôme ; contra : P. Yolka, JCPA 2007, nº2307). Seule une intervention du
législateur ou une prise de position du juge pourra lever le doute.
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