Mémentos - Droit international public - 11e - 56

54
MÉMENTOS - DROIT INTERNATIONAL PUBLIC
invoqué aussi il y a une quarantaine d'années pour une éventuelle revendication sur
les guyots, volcans et monts sous-marins à sommet plat : il semble acquis aujourd'hui
que ceux-ci font partie de la Zone, car les opérations d'exploration et d'extraction sont
envisagées par le Conseil de l'Autorité internationale des fonds marins.
106. Tous les espaces terrestres ont désormais un statut juridique, en général sous
souveraineté étatique, parfois internationalisés. Il reste pourtant une exception pour le
moins curieuse à la frontière entre l'Égypte et le Soudan, le Bir Tawil (ou Bi'r Tawīl).
C'est une petite région sur laquelle aucun des deux pays ne revendique formellement
la souveraineté. En effet, selon le traité pris en référence, Bir Tawil appartiendrait soit à
l'Égypte (point de vue du Soudan reconnaissant la frontière établie en 1902), soit au
Soudan (point de vue de l'Égypte reconnaissant la frontière établie en 1899 sur le
22e
parallèle)3. Cette alternative, apparemment paradoxale, provient du fait que pour
chacun des deux États, revendiquer la région de Bir Tawil (qui n'a aucun accès à la
mer Rouge) le conduirait à abandonner un territoire dix fois plus grand, le triangle de
Hala'ib à l'est de Bir Tawil et bordé par la mer Rouge. Sur le terrain, comme souvent,
c'est la politique des faits accomplis qui s'impose : le triangle de Hala'ib est occupé
depuis 2000 par l'Égypte mais toujours revendiquée par le Soudan.
Historiquement, divers systèmes ont été admis pour l'acquisition des territoires sans
maître.
1) L'attribution pontificale
107. En 1486, le Pape Clément VI attribue la souveraineté des Canaries à l'Espagne ;
et en 1493, Alexandre VI Borgia, par la bulle Inter Coetera place les espaces découverts
et à découvrir à l'Ouest d'une ligne au large du Cap-Vert, sous la souveraineté
espagnole (excepté le Brésil). Le Traité de Tordesillas, le 7 juin 1494, devait entériner
l'accord de l'Espagne et du Portugal sur la délimitation de leurs futures possessions
coloniales, en partageant le monde à découvrir : les terres à l'ouest du méridien
(Amérique moins le Brésil) appartiendraient à l'Espagne, et celles à l'est (Brésil et
Afrique), au Portugal.
2) La découverte avec occupation fictive
108. La souveraineté territoriale appartient à l'État qui découvre un territoire, à condition
que ceux qui peuvent venir ultérieurement en soient avertis. L'occupation fictive a
ainsi été appliquée trois fois. L'île d'Hispaniola (Haïti-Saint-Domingue) découverte par
Christophe Colomb le 6 décembre 1492, au nom des souverains de Castille ; le Brésil,
après l'érection d'une croix de 7 mètres de haut (Vera Cruz) le 26 avril 1500 par le
navigateur portugais Pedro Alvarez Cabral ; la conquête de l'Australie par le capitaine
Arthur Phillip au nom de la Grande Bretagne le 26 janvier 1788 - considérant les terres
des aborigènes désertiques et inoccupées - pour en faire une « colonie pénitentiaire »
--
3. La majeure partie de la frontière est située sur le 22e
parallèle telle que définie en 1899 par le
Royaume-Uni pour délimiter le Nord du Soudan anglo-égyptien. À la suite de la rectification de cette
frontière en 1902, Hala'ib est alors placé sous administration soudanaise car les tribus de cette région
vivaient au Soudan et le Bir Tawil passe sous administration égyptienne car c'était un pâturage pour
une tribu originaire d'Assouan.

Mémentos - Droit international public - 11e

Table des matières de la publication Mémentos - Droit international public - 11e