Mémentos - Droit des biens - 14e - 62

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MÉMENTOS - DROIT DES BIENS
La particularité de cette responsabilité tenant au voisinage est qu'elle n'est pas fondée
sur la faute mais sur le trouble anormal.
1. Une responsabilité sans faute
76. La responsabilité peut être engagée même si aucune faute n'a été commise,
même si le propriétaire ne fait qu'exercer ses prérogatives légales. Par exemple,
l'industriel qui obtient l'autorisation administrative d'exploiter une usine polluante et
bruyante ne commet aucune faute, mais il peut être contraint d'indemniser les voisins
du préjudice anormal. Deux arrêts de principe ont admis que si « le propriétaire voisin
de celui qui construit légitimement sur son terrain est néanmoins tenu de subir les
inconvénients normaux du voisinage, en revanche, il est en droit d'exiger une réparation
dès lors que les inconvénients excèdent cette limite »4
. La distinction avec l'abus
est nette : l'abus suppose une faute, non le trouble de voisinage. Une responsabilité
est envisageable en l'absence de faute caractérisée. Après avoir justifié cette responsabilité
en se fondant sur l'article 1240 (ancien article 1382) du Code civil, les tribunaux
ont fondé désormais leurs décisions sur le principe général du droit selon lequel « nul
ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage »5
15 avril 2024 visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels6
. La loi nº 2024-346 du
a
créé un nouvel article 1253 dans le Code civil reprenant le principe de responsabilité
fondée sur les troubles anormaux du voisinage, consacré par la jurisprudence de la
Cour de cassation. Le trouble de voisinage entraîne la responsabilité de plein droit de
son auteur, à condition qu'il excède les inconvénients ordinaires du voisinage.
2. Un trouble anormal
77. La jurisprudence a tendance à admettre de façon extensive les troubles anormaux
de voisinage. Tout trouble est envisageable. Il peut s'agir d'une nuisance sonore,
visuelle ou olfactive (bruits, odeurs, fumées, privation de vue ou d'ensoleillement...)
ou un simple risque. Dès lors qu'il est certain, la jurisprudence prend en compte le
risque pour la santé ou la sécurité (par exemple le risque résultant du stockage de
paille près d'une maison d'habitation ou le risque de pollution des eaux souterraines
par le plomb provenant d'un Ball trap). N'importe quel trouble peut devenir un
trouble anormal.
L'anormalité du trouble est la condition indispensable à la mise en œuvre de l'action
en troubles de voisinage. Le trouble anormal est celui qui est soit important, soit
répétitif. Il dépasse un certain seuil de gravité et de fréquence. Le caractère anormal
est soumis à l'appréciation souveraine des juges du fond qui tiennent compte des
circonstances de temps (jour ou nuit ; dimanche ou semaine) et de lieu (selon l'environnement
: zone industrielle ou quartier résidentiel, zone urbaine ou rurale, circulation ou
non...). La difficulté réside dans cette appréciation in concreto qui ne fait l'objet que
d'un contrôle restreint de la Cour de cassation, celle-ci se contentant de vérifier la caractérisation
du caractère anormal du dommage. Ainsi tout peut devenir un trouble
--
4. Cass. 3e
civ., 4 févr. 1971, nº 69-14964 et 69-13889 : JCP 1971, II 16781, note Lindon - récemment,
Cass. 3e civ., 19 janv. 2017, nº 15-28591.
5. Cass. 2e civ., 19 nov. 1986, nº 84-16379.
6. JORF nº 0089 du 16 avril 2024.

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