Mémentos - Droit des biens - 14e - 89

CHAPITRE 3 - L'étendue du droit de propriété
89
individualiste et impérialiste de la propriété en offrant la propriété de toutes les constructions
sur son terrain au propriétaire du fonds. Spoliation des droits du constructeur,
l'accession devrait être strictement limitée au domaine que lui confère le Code
civil. Cependant, une vision moins partisane de l'application du texte permet de
mettre en évidence l'intérêt pour le constructeur de bonne foi d'être indemnisé sur le
fondement d'une dette de valeur, indemnisation qui lui est refusée le plus souvent si
l'on écarte l'application de l'article 555 du Code civil en présence d'un contrat. Les
enjeux posés, on comprend mieux les débats doctrinaux et les hésitations jurisprudentielles.
Suggérée par la doctrine et reposant sur la notion de tiers citée par l'article 555
du Code civil, une distinction semble s'établir entre le silence du contrat ou la présence
de clauses contractuelles réglant le sort des constructions, plantations et autres
ouvrages réalisés par le cocontractant du propriétaire du fonds.
a) Le silence du contrat
123. Par silence du contrat, il faut comprendre que ce dernier n'aborde pas le sort des
constructions, des plantations ou des ouvrages réalisés par le preneur. La première
question est celle de l'application de l'article 555 du Code civil en dépit du contrat.
L'article fait référence à la notion de tiers, le preneur est-il encore un tiers ? La jurisprudence
avait opté pour une interprétation large de l'article 555 et l'appliquait en
présence d'un contrat de bail, d'un contrat entre concubins21
... Entre concubins, un
arrêt du 2 septembre 2020 a toutefois écarté l'application de l'article 555 du Code
civil considérant que les dépenses liées à la construction du logement familial relevaient
de la contribution aux dépenses de la vie courante (C. civ., art 214)22
présence d'un bail, la jurisprudence refuse de concevoir le preneur-constructeur
comme de mauvaise foi par principe. Certes, il sait qu'il ne construit pas sur son
terrain, en principe le contrat de bail interdit toute construction pour empêcher toute
modification de la destination de l'immeuble et obliger à rendre le bien dans l'état où
il a été reçu (C. civ., art. 1730). Pour être de bonne foi, le tiers constructeur doit
posséder un titre de propriété dont il ignore les vices, cette définition impose de voir
dans le bailleur un constructeur de mauvaise foi. Cependant, s'il reçoit l'autorisation
du propriétaire, il a pu être considéré de bonne foi d'après la jurisprudence23
.En
.Le
preneur reste intéressé par le jeu de l'accession. Il n'est pas propriétaire des constructions,
leur propriété revient au bailleur, cependant, si ce dernier décide de les
conserver, il a droit à une indemnité. En l'absence de disposition contractuelle, la jurisprudence
considère que les relations preneur-bailleur se dénouent à l'expiration du
bail. Le preneur reste propriétaire pendant la durée de la location. Pour ce qui est des
concubins, ils restent des tiers dans leurs rapports patrimoniaux, sauf convention particulière
en vue de la construction. Par suite, lorsque le bailleur demande l'arrachage de
plantations réalisées par le preneur il faut se demander si les plantations n'étaient pas
intervenues avant le renouvellement des baux, de sorte qu'elles seraient devenues la
propriété du bailleur lors de ce renouvellement24
.
--
21. Cass. 3e
civ., 16 mars 2017, nº 15-12384, FS-P+B - Cass. 1re
22. Cass. 1re civ., 2 sept. 2020, nº 19-10477, préc.
23. Autorisation donnée à l'occasion d'une transaction, Cass. 3e
24. Cass. 3e civ., 23 nov. 2017, nº 16-16815.
civ., 15 juin 2017, nº 16-14039.
civ., 17 déc. 2013, nº 12-15916.
Mémentos - Droit des biens - 14e

Table des matières de la publication Mémentos - Droit des biens - 14e
