Mémentos - Introduction générale au droit - 18e - 195

CHAPITRE 10 - Les personnes morales
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La reconnaissance de la personnalité morale participe d'un affrontement avec l'État.
L'histoire de la personne morale en est la meilleure preuve ; l'attitude de l'État n'est pas
la même selon que le groupement poursuit une activité lucrative utile à l'économie
et sans concurrence avec le pouvoir politique ou que le groupement, poursuivant des
objectifs politiques s'interpose entre l'État et l'individu. Cependant, le pouvoir économique
acquis par certaines personnes morales ne va pas sans inquiéter l'État contemporain.
De fait, soucieux de ne pas supporter de concurrence déstabilisatrice, l'État a tout
intérêt à contrôler la reconnaissance de la personne morale au groupement. La théorie
de la fiction est alors une alliée précieuse car c'est par décision légale que le groupement
acquiert la personnalité juridique. La théorie de la réalité, pragmatique, sert la reconnaissance
des groupements et favorise la liberté d'association. L'enjeu clarifié, il convient
d'étudier les différentes théories défendues afin de nuancer les oppositions et les intérêts
défendus.
a) La théorie de la fiction
414. Cette thèse fait de la loi le seul créateur de la personne morale : elle décide
d'accorder ou de refuser l'avantage de la personnalité juridique. Cette primauté législative
explique aussi que cette théorie soit défendue par les exégètes français du
XIX
e siècle3
.
Les conséquences de la théorie de la fiction méritent d'être soulignées. Elles sont au
nombre de trois. La première résulte de la place de la loi et de la fiction : la personne
morale naît de la seule volonté de l'État à travers l'intervention du législateur. La
deuxième est l'expression de l'utilité patrimoniale de la personne morale : elle ne peut
produire que des effets patrimoniaux cantonnés aux fins poursuivies dans les limites
prévues par les textes. La troisième est l'expression de la fiction : fictive par nature, la
personne morale est incapable et doit toujours être représentée.
Les critiques formulées à l'encontre de la théorie de la fiction expliquent sa désaffection
à la fin du XIX
e siècle. L'État octroyant par sa seule volonté la personnalité juridique ou
pas au groupement est susceptible de faire de ce pouvoir une arme politique. Plus philosophiquement,
l'État étant lui-même une personne morale, la question se pose de l'origine
de la personnalité juridique de l'État lui-même : qui l'a lui attribuée ? Enfin pour
reconnaître la personne morale, le critère consacré est celui de son utilité. Ce dernier
est trop subjectif pour constituer un guide effectif.
415. Les théories négatrices de la personne morale s'appuyant sur ces critiques
ont proposé de régler la question de manière définitive en niant toute utilité à la
reconnaissance des personnes morales : les fictions inutiles encombrent le droit, il
convient de les supprimer. Pour eux, il suffit de reprendre la réalité et d'accepter de
remettre en cause la théorie française du patrimoine en reconnaissance qu'il existe
des patrimoines distincts des personnes physiques qui retirent leur autonomie soit
d'une appropriation collective, soit d'une affectation. Pour rendre compte de l'affectation
d'un patrimoine à un but déterminé, la théorie du patrimoine d'affectation est
plus attractive comme le montre le vote de la loi consacrant le nouveau statut de
l'entrepreneur individuel désormais doté d'un patrimoine personnel et d'un patrimoine
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3. Malaurie Ph., « La nature juridique de la personne morale », Defrénois 1990, art. 34848, p. 1068.

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