Mémentos - Droit pénal général - 19e - 107

CHAPITRE 5 - Le préalable légal : composante externe de l'infraction
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précision, le législateur écarte la nécessité, donc l'impunité, « s'il y a disproportion entre
les moyens employés et la gravité de la menace ». La rédaction est la copie conforme de
celle utilisée pour la légitime défense. Le parallèle est saisissant, il appartiendra donc à la
jurisprudence de poursuivre la construction et de décider, au cas par cas, des valeurs en
présence. Du raisonnement des juges, il découlera l'impunité ou au contraire la poursuite
des personnes en cause. D'aucuns n'hésitent pas à affirmer qu'en définitive l'état
de nécessité relève plus de l'équité que véritablement de la règle de droit, que la règle
« permet aux juridictions du fond de faire fléchir le droit devant la réalité » afin d'éviter
d'inutiles poursuites. Que ces auteurs soient entendus ! Encore faudra-t-il que les juges
en question soient plus rigoureux qu'ils ne l'ont été en première instance dans l'affaire
jugée à Poitiers à la fin du siècle dernier. Il s'agissait en l'espèce d'une mère de famille
qui, au cours d'une même journée et dans trois supermarchés, avait commis trois vols
de produits alimentaires. Poursuivie devant le tribunal correctionnel de Poitiers, elle fut
relaxée sur le fondement de l'état de nécessité présenté, curieusement trois ans après
l'entrée en vigueur du nouveau code, comme « un concept jurisprudentiel, élaboré au
début du XX
e siècle ».
Encore faut-il que les magistrats fassent preuve d'équité. On peut se plaire, parfois, à le
constater. Le Tribunal de Paris a pu juger qu'un prévenu, dans le besoin, père d'un
nouveau-né, logé dans un studio de 8m2
, ayant scié les gonds de la porte d'entrée
d'un appartement inoccupé de l'OPAC pour s'y installer avec sa famille, pouvait être
relaxé sur le fondement de l'état de nécessité. Comme pour rappeler que l'équité ne se
confond pas directement avec le fait justificatif étudié, la solution a été diversement
commentée en doctrine. Somme toute, sans grande surprise, voire avec soulagement
pour certains, le jugement fut infirmé.
Exemple
En juin 2002, aux antipodes, la cour d'appel de Papeete s'aventurait à son tour sur les
chemins de « l'indulgence nécessaire » en justifiant la détention de pieds et pousses de
cannabis nécessaires à la confection de tisanes, seuls moyens de soulager les douleurs du
prévenu devenu paraplégique à la suite d'un accident. La cour a estimé, en infirmant la
première décision, que la personne poursuivie était menacée « par un danger actuel, ses
souffrances constantes », que « les tisanes étaient nécessaires à la sauvegarde de sa
santé » et qu'en l'espèce (nous disons bien en l'espèce et seulement en l'espèce) le
moyen employé n'était pas « disproportionné par rapport à la gravité de la menace ».
Plus récemment, la cour d'appel de Paris (mai 2009), sous couvert d'une interprétation
large de la nécessité, a, par un arrêt infirmatif, relaxé l'association Droit au logement qui,
pour avoir organisé un campement dans une rue parisienne, était poursuivie pour dépôt
ou abandon d'objet embarrassant la voie publique sans nécessité. La chambre criminelle
(Cass. crim., 16 déc. 2015)n'a pas entendu faire sienne cette jurisprudence en repoussant
dans une affaire similaire le raisonnement : « ce n'est pas l'état de nécessité qui l'a conduit
à persévérer dans la consommation et la détention de cannabis, qu'il reconnaît
totalement, mais sa seule appétence pour ce stupéfiant ».

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